Au carrefour du théâtre, de la musique et de la danse, la saison du Théâtre Garonne s’annonce aussi surprenante que les précédentes et riche en découvertes d’artistes venus d’ailleurs.
La saison du Théâtre Garonne s’ouvre avec une création inédite en France de Tg STAN, compagnie anversoise associée au théâtre toulousain : dans « la Cerisaie », d’Anton Tchekhov, ils invitent à leurs côtés une nouvelle génération d’acteurs (photo). Spectacle repris sur la même scène, « Onomatopée » réunit des membres des compagnies flamandes Tg STAN et De Koe, d’autres issus des troupes néerlandaises Dood Paard et Maatschappij Discordia. Sous-titrée «Le relèvement de l’occident», « Blanc, Rouge, Noir » est une trilogie de la compagnie De Koe placée sous le signe de l’innocence et de la colère, avant de plonger dans le noir – somme de toutes les couleurs – pour imaginer des lendemains plus radieux. Inédit en France, « Pointless international » est un cirque à la manière de la compagnie néerlandaises Maatschappij Discordia, où trois clowns évoluent au cœur d’un capharnaüm insensé. Ce spectacle ouvre un cycle intitulé «Une saison à Amsterdam», fil rouge à suivre au cours de l’année 2016.
Après « le Crocodile trompeur », « Fugue » est la nouvelle création collective mêlant théâtre et musique signée La Vie Brève, compagnie associée au Théâtre Garonne. Le metteur en scène Samuel Achache y entraîne la troupe au Pôle Sud pour une aventure aussi mélancolique que burlesque. « Chunky Charcoal » met en scène une immense page blanche raturée et noircie par le graphiste Benoît Bonnemaison-Fitte au diapason de la pensée discursive de l’acteur bonimenteur Sébastien Barrier, sur une musique de Nicolas Lafourest. Dans « 4 », Rodrigo García réunit quatre acteurs pour un voyage d’aventures inspiré d’une phrase de l’architecte philosophe Rem Koolhaas, à propos du plaisir que nous procurent les grandes villes: «Aventures incroyables pour le cerveau, la vue, l‘odorat, le goût, l‘utérus ou les testicules».
Christophe Bergon met en scène « Sur une île », texte de Camille de Toledo s’appuyant sur le massacre survenu en juillet 2011 sur l’île d’Utøya, près d’Oslo. Survivant de la tragédie, le frère dialogue avec le fantôme de sa sœur morte. Après « le Mot sur le bout de la langue » et « Triomphe du temps », « Princesse Vieille Reine » est le troisième texte de Pascal Quignard écrit sur mesure pour Marie Vialle. Seule en scène, elle est accompagnée de son violoncelle pour donner chair à la sensualité de la langue : «Une unique figure de femme se transforme dans de grandes robes de plus en plus belles. Une seule histoire faite de plein d’histoires», assure l’écrivain. Dans « Reality », l’actrice Daria Deflorian et le danseur Antonio Tagliarini ressucitent une femme au foyer morte en 2000, d’après les nombreux carnets où est consignée sa vie quotidienne à Cracovie.
Pièce rare annonçant dans une langue sublime les bouleversements esthétiques du siècle, «surréaliste» avant l’heure et célébrant le changement de sexe à travers l’histoire de Thérèse devenue Tirésias, « les Mamelles de Tiresias » de Guillaume Appolinaire sera visible dans une mise en scène d’Ellen Hammer – avec la collaboration de l’acteur et metteur en scène Jean-Baptiste Sastre. Metteur en scène et chorépraphe, Kim Min-Jung dévoile dans « A forbidden act » la vie intime des habitants d’un immeuble de Séoul, révélant les blessures et l’envers de la réussite économique de la Corée du Sud. Le cycle New York Express sera l’occasion de découvrir deux spectacles ayant traversé l’Atlantique, proches de la performance et faisant la part belle au jeu : un solo d’Andrew Schneider et la déconstruction d’une comédie musicale signée Annie Dorsen.
L’Israélienne Yasmeen Godder présente « Climax », performance créée à la demande d’un musée et remaniée dans un théâtre aménagé pour l’occasion. Libre de déambuler dans l’espace, les spectateurs sont confrontés aux six danseurs qui engagent avec eux une relation intime et sensuelle. Georges Appaix revient avec « Vers un protocole de conversation », où les deux interprètes sont rejoints sur le plateau par le chorégraphe. Histoire d’amour nostalgique mise en scène par Mladen Materic, « Pour Vera Ek » est un solo tout en délicatesse dansé par la très jeune Azusa Takeuchi.
Solo aux multiples visages conçu pour David Mambouch et inspiré d’un texte de Robert Antelme sur le visage, « Singspiele » est une chorégraphie de Maguy Marin, artiste associée au Théâtre Garonne. Agrippant toutes les définitions du mot «mobile», le nouveau solo de Pierre Rigal repousse encore une fois les limites du corps face à un dispositif contraignant : dans « Mobile », l’espace vital est peu à peu contaminé par une profusion d’images et d’objets. Chorégraphe américaine installée à Bruxelles, Meg Stuart interprète « Hunter », solo en forme d’autoportrait confrontant souvenirs familiaux et affinités artistiques.
Au printemps, le rendez-vous In Extremis fait la part belle à la danse, avec notamment le retour des Néerlandais De Warme Winkel. En guerre contre la société du spectacle, ils s’inspirent des œuvres de l’écrivain Junishiro Tanizaki – auteur de « Éloge de l’ombre » et du roman érotique « la Clef »- pour livrer une rêverie sensuelle en clair-obscur. On verra « Je danse parce que je me méfie des mots », duo de la danseuse japonaise Kaori Ito avec son père sculpteur. Interprète chez Mathilde Monnier et Alain Buffard, Nadia Beugré rend hommage dans « Legacy » – sa première pièce de groupe – aux femmes africaines oubliées ou méconnues qui ont œuvré à l’émancipation du continent. Après l’euphorisant « Antigone Sr. », le New-yorkais Trajal Harrell imagine dans « the Ghost of Montpellier meets the samouraï » la rencontre improbable du chorégraphe Dominique Bagouet et de Tatsumi Hijikata – l’un des fondateurs du butô. Où l’avant-garde et le populaire se bousculent dans un joyeux désordre.
Le cycle Présences Vocales se poursuit avec notamment Erwan Keravec, sonneur virtuose en quête de nouvelles formes musicales affranchies de la culture traditionnelle de son instrument, la cornemuse. Dans son programme « Vox / Nu Piping # 2 », il improvise avec le chanteur Beñat Achiary, et interprète des pièces contemporaines pour soprano, baryton et cornemuse. Enfin, une programmation de concerts autour du thème «musique et mystique» invite au voyage, du Brésil jusqu’en Iran.
Jérôme Gac
« La Cerisaie »,
du 24 septembre au 2 octobre,
du mercredi au samedi, au Théâtre Garonne,
1, avenue du Château d’Eau, Toulouse.
Tél. 05 62 48 54 77.
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photo : « La Cerisaie » © Johan Jacobs
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