Victoria, petite exilée madrilène qui ne connaît personne dans la grande Berlin, vient de passer la nuit à onduler son corps au son de grosses basses technoïdes, tout en essayant de faire des rencontres.
Aux petites heures blêmes de la nuit berlinoise, alors qu’elle part ouvrir le café où elle travaille, Victoria est accostée par Sonne et ses potes, tous aussi sympathiques que gentiment bourrés. Sonne l’entraîne dans leur fin de soirée, pour boire des bières fauchées à l’épicerie du coin et squatter le toit d’un immeuble (où fumer des joints et la dragouiller en toute quiétude). La routine, quand on a 20 ans. Jusqu’au moment où les choses dérapent franchement.
Le film de Sebastian Shipper est à prendre comme l’expérience qu’il est. L’ambitieux réalisateur allemand a tourné son film caméra sur épaule, en un seul plan – séquence de 2 h 14. S’il n’est pas le premier à avoir entrepris ce genre de prouesse, il est celui qui l’a réalisé sur une telle durée.
Je ne suis pas là pour aveuglément encenser la performance réelle et très technique. En effet, un tournage dans des conditions pareilles demande une préparation de dingue, un investissement incroyable de la part des comédiens qui, même s’ils s’appuient sur un scénario dûment écrit, doivent être capables d’improviser en permanence. De mon point de vue, Victoria aurait gagné à être écourté d’une bonne demi – heure (certaines scènes font redites, brisant l’incroyable tension générée par le procédé).
Tout le monde n’est pas de mon avis, Darren Aronofsky qui présidait le festival de Berlin où le film était en compétition (et a reçu le prix de la contribution artistique), déclarait : “ ce film m’a secoué et va secouer le monde entier “.
Je serais bien arrogante de contredire ce brave Darren, le choix du plan – séquence unique entraîne effectivement une immersion du spectateur contre lequel une réalisation classique peut difficilement rivaliser. En cela, Victoria tient vraiment ses promesses.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio