« La loi du marché », un film de Stéphane Brizé
Il est au chômage depuis plus d’un an et va bientôt entrer dans la précarité, avec 500€ de revenus par mois. Ce père de famille a un fils handicapé. Sa banquière lui propose, alors qu’il cherche du travail, de vendre son seul bien : sa maison. Plus tard, alors qu’il a retrouvé un job, elle va le pousser à emprunter plus que de raison pour s’acheter une voiture. Il va subir les errances de Pôle Emploi, à savoir des stages qui ne servent à rien, comme par exemple celui de grutier qu’il vient de finir et qui nécessite, de la part des entreprises du bâtiment susceptibles de l’embaucher, qu’il ait auparavant, ce qui n’est pas son cas, une expérience de chantierau sol. Il va aussi affronter les entretiens via Skype à la fin desquels on lui dit qu’il ne sera pas pris. Aussi dur, voire plus, il va participer à ces pseudos travaux de groupe censés évaluer ses comportements, vaste fumisterie et véritable fromage pour toute une armada de consultants de tout poil. La cupidité n’ayant pas de borne, il va se colleter, alors qu’il met en vente son petit mobilum, seul « luxe » lui restant, à un couple ayant compris l’urgence de cette vente. Il va finalement accepter un poste de vigile dans une grande surface. Lui qui fut la victime d’une entreprise ayant licencié son personnel afin de s’installer à l’étranger et satisfaire ainsi à la voracité de ses actionnaires, il va être le bras armé du capitalisme. Il, c’est Thierry, un homme broyé par la machine qui nous guette à tous au coin du chemin. Cette machine, c’est la loi du marché dans une époque qui assimile l’homme à du matériel. Mais voilà, Thierry va-t-il pouvoir continuer à s’acharner sur les faibles, ceux qui tentent de sortir une barquette de viande, ou de planquer quelques bons de réduction au lieu de les jeter ? L’histoire ne nous dit pas ce qu’il adviendra de Thierry par la suite. Et en cela, ce film est un docu-fiction d’un effrayant réalisme qui nous laisse tétanisés au fond de notre fauteuil.
Mis en image à l’aide de cadrages improbables dont le seul but est d’éloigner au maximum le côté fictionnel , ce film est tenu à bout de bras par un seul et unique acteur professionnel : Vincent Lindon. Omniprésent à l’écran, il incarne de manière confondante cet être qui tente par tous les moyens de s’en sortir, mais qui ne vendra pas son âme… Entouré de comédiens amateurs jouant ici leurs propres rôles dans la vie, il a dans les yeux, en même temps que tous les malheurs du monde, la force et la rectitude des hommes courageux. Ce film est en compétition dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2015. A la fin de sa projection, il fut longuement ovationné par un public qui, n’en doutons pas une seconde, a su apprécier l’authenticité de cette réalisation.
Robert Pénavayre