« Un peu, beaucoup, aveuglément », un film de Clovis Cornillac
Le scénario est tout sauf banal. Il est même plus qu’original et signé de Lilou Fogli, Madame Cornillac dans le civil. Imaginez un homme, la quarantaine flamboyante, inventeur de machines improbables façon rubik cube voire plus complexe encore. Il vit en quasi ermite dans un petit appartement et ne supporte plus la société, si ce n’est son pote de toujours, et son souffre douleurs aussi, Artus (formidable, comme d’habitude, Philippe Duquesne). Sa misanthropie va loin. Elle va jusqu’à avoir inventé un système lui permettant de faire déguerpir très rapidement ses éventuels voisins immédiats. Il lui faut du calme et de la solitude. Sauf que voilà une jeune femme qui aménage dans la plus proche mitoyenneté avec la ferme intention d’y travailler d’arrachepied son concours de …pianiste ! L’insonorisation dans ce vieil immeuble étant ce qu’elle est, l’affrontement est inévitable. Essais de dissuasion ? Raté ! Violence ? Raté aussi ! Zut, cette fois il faut négocier à travers le mur. Le film prend alors son envol, tutoie parfois les rives du surréalisme. Et voilà Clovis Cornillac dans son premier film. C’est toujours émouvant. Surnommés Machin (Clovis Cornillac lui-même, toujours aussi épatant) et Machine (Mélanie Bernier, adorable), ces deux êtres vont s’apprivoiser sans se voir, dessiner la Carte du Tendre sans même se frôler. Dans le style dangereux, pour ne pas dire autre chose, l’exercice cinématographique est assez effrayant. Mais voilà, le charme opère grâce aux comédiens, grâce aussi à une mise en scène et des éclairages, des décors et des costumes, particulièrement travaillés. Et puis il y a cette courte mais intense scène vers la fin qui nous fait entrevoir la fracture qui habite Machin. Et là, le film prend une toute autre dimension. Sur la difficulté de communiquer, une belle démonstration pleine de bon sens et un regard sans concession sur notre temps.
Robert Pénavayre