Alors que je naviguais sans but précis dans le méandre des internets, je suis tombée sur un blog américain faisant le (piètre) constat de la place des femmes dans l’industrie cinématographique. Loin de moi l’idée de passer pour une tête d’ampoule parfaitement bilingue (je profite surtout du bienfait d’illustrations limpides comme vous pourrez le constater par vous – même ici), mais si j’avais conscience du rôle souvent mineur des femmes au cinéma (à moins qu’il ne s’agisse d’être montrées en petites culottes ou alanguies contre un torse viril), je n’imaginais pas de telles proportions.
On peut compter sur les doigts d’un lépreux celles qui arrivent à se hisser à des postes à responsabilités ou à prendre place derrière une caméra. Marjane Satrapi fait partie de ces rares élues*.
Celle qui a toute mon admiration (et pas seulement parce qu’elle possède une beauté intemporelle ou que sa date de naissance coïncide avec un 22 novembre), quitte son Iran natal dans les années 80 pour passer plusieurs années en Autriche, puis à nouveau dans les années 90 afin d’intégrer l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.
Elle commence alors à signer des BD (recommandées chaudement par votre humble servante) avec en point d’orgue le fameux Persépolis dont elle réalisera l’adaptation sur grand écran (et en film d’animation) en compagnie de son collègue Vincent Paronnaud (il faut bien que les garçons servent parfois à quelque chose). Responsable depuis de 2 autres longs – métrages (Poulet aux prunes – lui aussi tiré d’une de ses BD – et La bande des Jotas), Marjane Satrapi signe aujourd’hui son quatrième film, The voices.
Jerry vit à Milton, paisible petite bourgade des États – Unis, où il est le petit nouveau d’une usine de baignoires. Même s’il arbore un air des plus inoffensifs, on sent que quelque chose ne tourne par rond chez lui. Jerry a une drôle façon d’appréhender les gens, un sourire un peu trop figé, la particularité de répondre une demi – seconde trop tard à la question qu’on lui pose. Pour dire vrai, Jerry est suivi par une psy. Pas de quoi en faire un fromage me direz – vous, sauf s’il ne rencontrait toutes les difficultés du monde à prendre le traitement prescrit mais aucun souci à discuter très posément avec son chien et son chat.
À l’occasion d’un barbecue, Jerry est amené fricoter avec les filles de la compta et notamment avec Fiona, une délicieuse petite anglaise. Conquis, Jerry rêve de l’emmener au restaurant chinois.
Après de précédents films qui s’attaquaient à des contextes réels, souvent politisés (sans oublier toutefois de faire la part belle à un certain onirisme), Marjane Satrapi se dirige vers un tout autre genre, moins évident de prime abord : la comédie romantique schizo – dégueu.
S’appuyant sur un scénario de Michael R. Perry (elle qui était à l’origine de tous ceux de ses précédentes réalisations) et alors que Mark Romanek était pressenti sur le coup, elle s’empare avec délice d’un projet où on ne l’attendrait pas forcément.
La réalisatrice livre ainsi un long – métrage qui navigue habilement de la romance acidulée au gore cracra, de la légèreté à l’effroi, du rire à la chair de poule.
Esthétiquement, The voices est impeccablement réussi, le parti pris d’illustrer le long – métrage de 2 façons totalement opposées (la vie fantasmée de Jerry face à la sordide réalité) est une sacrée bonne idée. Tout comme celle de ne pas enfermer son personnage principal dans le rôle de la simple brute sanguinaire, de le rendre même attachant ou d’illustrer sa schizophrénie par ses animaux de compagnie.
The voices, c’est aussi un chouette casting de comédiennes, avec en tête la pimpante Gemma Aterton (dont le fait d’être réduit à une simple tête les 3/4 du film n’entame pas l’enthousiasme), suivie de près par Anna Kendrick et Ella Smith.
Je confesse avoir révisé mon jugement quant à Ryan Reynolds, qui m’avait paru jusqu’alors doté d’un charisme digne d’une Fine de Claire et de la capacité de jeu proche de la batavia**. Il n’en est rien ici, le garçon s’y révèle excellent, drôle et inquiétant. C’est même lui qui assure toutes les parties doublages (Mr Whiskers represent).
À ce joyeux (enfin, si l’on peut dire) mélange des genres, vous n’oublierez pas d’ajouter un montage malin et une bande – son bien fournie.
C’est moi qui vous le dis, Marjane Satrapi n’en a pas fini de se faire une place au pays de la testostérone.
En vous remerciant.
PIerrette Tchernio
* : Marjane Satrapi apparaît d’ailleurs dans l’infographie sus nommée, catégorie “ rôle féminin inspirant ces 10 dernières années “, mini – ola !!
** : Buried excepté, mais c’était peut – être à cause du manque d’oxygène.