« Selma », un film d’Ava DuVernay
Incroyable, ce film est le premier biopic sur Martin Luther King, Prix Nobel de la Paix en 1964 et principal acteur des lois antiségrégationnistes américaines. C’est la réalisatrice Ava DuVernay qui est derrière la caméra pour nous transmettre le message de ce pasteur afro-américain dont l’activisme lui coutera la vie. Il est assassiné en 1968 dans des conditions qui restent encore aujourd’hui mystérieuses. La cinéaste a choisi un épisode particulier dans la vie de Martin Luther King, celui de son affrontement, pacifique, avec Lyndon B. Johnson sur le sujet des droits civiques, inscrits dans la Constitution, mais bafoués dans les états du Sud, grands utilisateurs historiques d’esclaves, et plus particulièrement celui concernant le droit de vote pour tous. L’action se concentre sur l’organisation de cette fameuse marche qui réunira plusieurs milliers de participants de toutes couleurs et de toutes obédiences religieuses entre Selma et Montgomery. Volontairement pédagogique, ce film laisse de côté toutes formules chères au cinéma à sensation pour pénétrer dans l’intimité émotionnelle et philosophique de Martin Luther King. Il nous livre ses combats internes et familiaux, ses affrontements avec les tenants du pouvoir local et national, ses stratégies, son extrême conviction, ses doutes aussi. Il nous entrouvre les portes du Bureau Ovale et celui des rapports du FBI sur les activités du pasteur, mettant à nu le désarroi du Président tentant de repousser une signature qu’il a devinée inéluctable. Une poignée de comédiens remarquables incarnent les acteurs de ce moment qui a fait l’Histoire des Etats Unis : David Oyelowo, Tom Wilkinson, Tim Roth, etc. Et l’on pourrait naïvement penser que tout cela justement appartient simplement à l’Histoire passée de ce pays. Ce qui se passe aujourd’hui outre-Atlantique nous prouve bien que certains démons américains sont toujours bien vivants.
Robert Pénavayre