Il y a des genres qui ne réussissent que très moyennement au cinéma français. Pour ne prendre que le domaine du fantastique ou de l’action, les tentatives menées s’avèrent souvent médiocres. Nous, les Français, sommes réputés pour un cinéma cérébral, tourné vers l’introspection et les conversations qui n’en finissent pas autour d’un café crème.
Pourtant, il y en a qui n’ont pas peur de braver les clichés. Et qui arrivent même à les faire mentir.
Vincent est un mec assez solitaire, qui ne parle pas beaucoup et vit de petits boulots. Là où il se sent le mieux, c’est dans l’eau. Aussi, dès sa journée de travail finie, Vincent va nager dans un petit ruisseau perdu au fond d’un bois, dans un lac isolé.
Il faut dire que la nage est plus qu’une détente. L’eau s’avère vitale pour lui, le rechargeant en énergie, lui insufflant une force herculéenne, faisant de lui une sorte de super – héros. Vincent n’en a jamais parlé à personne mais peut – être que la donne va changer maintenant qu’il a rencontré Lucie.
À ma connaissance, seuls deux kamikazes ont eu l’inconscience de s’attaquer au monde des super – héros : Simon Astier et Thomas Salvador. Si le premier l’a fait par le truchement de sa série Héro Corp (dont la quatrième saison vient d’être diffusée sur France 4), tous les deux ont eu l’intelligence de ne pas tenter de reproduire ce qu’avait déjà pondu le grand cousin ricain (avec les moyens ridicules disponibles ici, ils n’auraient pas pu de toute façon). Partant de références similaires, ils les ont digérées, intégrées, pour en faire quelque chose de très personnel, tout en n’oubliant pas d’y injecter un humour salutaire au passage.
Thomas Salvador est donc au cœur du projet de Vincent n’a pas d’écailles, puisqu’il en est l’auteur, le réalisateur et l’interprète principal. En résulte un long – métrage pas mégalomaniaque pour un sou, mais au contraire très tendre et même un peu planqué derrière, tout comme son héros qui essaye de se fondre dans la masse.
Vincent n’a pas d’écailles est un petit ovni dépouillé, constellé de mélancolie, parsemé de petites saynètes attendrissantes et souvent très drôles, la plupart du temps sans parole (mais il paraît que son auteur possède Charlie Chaplin et Buster Keaton comme références).
Avec ce film, c’est un vent frais qui souffle actuellement dans les salles, une relecture du super héros qui, plutôt que de se sentir investi d’une mission et tenterait de sauver un monde qui ne lui a rien demandé, préfère impressionner sa copine par ses super pouvoirs. Personnellement, j’en redemande.
Comme je vous le disais plus haut, C’est Thomas Salvador qui en assume le rôle principal, prêtant son image encore inconnue du grand public (renforçant encore l’idée d’anonymat de son personnage). À ses côtés, Youssef Hajdi et une Vimala Pons tout ce qu’il y a de plus joyeux, frais et mutin.
Le constant est rapide, pour un premier film, Vincent n’a pas d’écailles est un essai tout à fait réussi. Je dirais même que c’est avec la plus grande hâte qu’on attendra la prochaine production de ce super – héros des salles obscures.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio