Cela pourrait tenir de l’absurde, être dada : jouer à la fois du piano et de la machine à coudre, jusqu’à ce que couture vous emporte. Cela pourrait relever de la critique du commentaire artistique : expliquer ce tableau, l’interpréter au-delà des pensées du peintre – qui le traverse bien sûr – ne jamais jouer la musique que l’on voit. Cela pourrait interroger ce qui est vrai chez le comédien, son paradoxe, ce qu’il fait de son corps, ce qu’il donne à voir. Cela pourrait chanter juste. Cela pourrait questionner le quatrième mur, celui qui est construit en parpaings. Cela pourrait être drôle ou profond, décalé ou brillant.
Las ! Rien n’est approfondi, achevé. Des gags éculés s’enchaînent comme dans de mauvais sketches. Une fille se poivre, se persille, se barde la tête avant de se la mettre au four ; une autre s’énuclée dans des cornets à glace – certes c’est faux et l’impression désagréable est là, et alors ? Le développement, la suite ? Non, on met un oiseau dans le piano, on arrose on ne sait quoi, on va dans l’espace, on parle anglais, on cuisine des oignons pour ne pas les manger, on se prélève des échantillons, on chante (mal) une aria baroque ou des lieder, parfois en mangeant un yaourt, on dissèque un insecte, on maquille un collègue en oubliant sa jupe. L’écrivain rit bêtement avant de se mettre en slip.
Le public rit, beaucoup, applaudit, debout. D’autres bâillent.
En matière de questionnement du théâtre, on préfère écouter le Prologue de Pagliacci. En matière d’absurde, on préfère attendre Godot. Classiques certes, mais de bon goût.
Théâtre Garonne, 7 février 2015