« Foxcatcher », un film de Bennett Miller
Un véritable uppercut ! Et pourtant il s’agit ici de lutte gréco-romaine. Bon, en vérité le sujet est totalement ailleurs. Les trois personnages principaux de ce film, hélas inspiré d’un fait divers tout ce qu’il y a de plus réel, sont deux champions olympiques américains de lutte et un milliardaire amateur de ce sport. Ce dernier, au motif de mettre une raclée aux Soviets lors des Jeux de Séoul à venir, fait installer dans l’une de ses nombreuses propriétés un centre d’entraînement luxueux dédié à ce sport. Il va y convoquer 17 athlètes de la discipline dont les frères Schultz, médaillés olympiques des Jeux de Los Angeles en 1984. L’histoire se concentre sur les rapports complexes qui vont unir ces trois hommes. John du Pont, l’un des richissimes héritiers de l’empire du Pont de Nemours aux USA, vit seul, entièrement dominé par sa mère. Pour exister aux yeux de celle-ci, il veut se forger une stature de coach sportif et dépense sans compter pour cela. Mark Schultz, le cadet, un peu perdu dans sa vie, sans trop de repères, va se vouer corps et âme à ce mentor. Son aîné, David, aura plus de mal mais finira par céder aux sirènes de l’argent et déménagera pour le centre avec femme et enfants. Mais l’attitude de John du Pont devient sinueuse. Dans le style « je t’aime, je te hais », il va commencer à faire vivre un véritable enfer à Mark, voire à lui conseiller des chemins de traverse pour le moins ambigus… Fragile, Mark accepte tout. Ce n’est pas le cas de David. Il lui en coûtera sa vie. Devenu un assassin, John du Pont écope de 30 ans de prison en 1996. Il ne les fera pas car il meurt en détention en 2010. De cette sombre histoire de manipulation, Bennett Miller fait un film d’une maîtrise sidérante (Prix de la Mise en scène Cannes 2014) porté par trois comédiens en état de grâce: Channing Tatum (Mark), Mark Ruffalo (David) et l’éblouissant Steve Carell (John du Pont). Un film fascinant !
Robert Pénavayre