Ce 8 janvier, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse donne son concert sous la direction du chef d’orchestre danois Thomas Søndergård. En soliste, devait se produire la pianiste Alice Sara Ott. Souffrante, celle-ci est obligée d’annuler. Contacté, Nicholas Angelich accepte, au pied levé, de la remplacer sans modifier la programmation et ce, malgré un moment très douloureux à vivre sur le plan familial, l’a-t-on appris plus tard. Qu’il en soit remercié doublement.
Remercié car en effet, est-ce la conjugaison de cet événement d’ordre personnel et de celui, planétaire, inqualifiable du moment, mais cela nous a valu d’assister à une des plus belles interprétations de ce concerto. Le soliste n’a pas pu se rendre compte sur l’instant, de l’émotion partagée par toute une salle, de cette sorte d’état de grâce qui s’est établi de la première mesure jusqu’à la dernière, ce qui nous évite alors tout commentaire qui ne pourrait se révéler que superflu. De plus, modestie, sobriété du jeu, aucune agitation devant le clavier, pas de crinière à agiter dans tous les sens, ni de bras s’élevant vers le ciel pour rien, exactement l’attitude dont on rêvait, secrètement. Les quelques mesures à découvert piano-violoncelle sont encore tapies au creux de l’oreille.
A croire enfin que sous ses doigts jonglaient tous les crayons et stylos et feutres et Stabilos des dessinateurs si atrocement supprimés, comme un « Je suis Charlie » imprégné sur chaque doigt. Etait-ce une forme d’hommage inconscient ? En tous les cas, c’est sûrement ce que les présents dans la salle ont dû ressentir, manifestant leur enthousiasme par de longs applaudissements nourris, mais comme empreints de pudeur. Vraiment, un très beau moment.
L’accompagnement de l’orchestre fut à la hauteur de l’événement. Le pianiste finit exténué, mais nous offrira tout de même deux “encore“ car l’artiste ne sait pas quitter son public autrement. Il a, c’est vrai, un petit faible pour Toulouse.
Robert Schumann ne nous en voudra pas de ne pas dire plus qu’un petit mot sur l’Ouverture de Genoneva, et sur la Symphonie n° 2, mais leur interprétation ne mérite que des éloges.
Michel Grialou
P. S. On n’oublie pas que Nicholas Angelich était le pianiste qui devait le 25 avril dernier interpréter le Concerto pour piano n° 2 de Brahms dans le cadre du cycle Grands Interprètes et que ce concert fut annulé au dernier moment, à 19h, perturbé par la présence dans la Halle, de quelques dizaines de pitres qui avaient alors de façon délibérée, décidé que le concert n’aurait pas lieu malgré près de deux mille personnes prévues se dirigeant vers la Halle. Ce fut bien une sale soirée que des moments comme ce concert nous aident à effacer petit à petit.
Orchestre National du Capitole