Mise en scène d’Éric Vanelle d’après Maupassant, « les Amours inutiles » est présentée au Moulin de Roques, et dans une version alternant langue française et langue des signes au Théâtre du Grand-Rond et à la Médiathèque José Cabanis.
Coordinateur du Théâtre du Grand Rond, metteur en scène et comédien, Eric Vanelle est un passionné de l’œuvre de Guy de Maupassant dont il affectionne les nouvelles. Après « les Beautés inutiles », adaptation théâtrale dans laquelle il jouait lui-même en 2007, on le retrouve aux commandes d’une seconde proposition dramaturgique. Créée en 2012 et reprise au Moulin de Roques, elle est basée sur quatre nouvelles de l’auteur réunies sous le titre « les Amours inutiles ». Pour l’accompagner à nouveau, il s’est entouré de Laetitia Bos et de Corinne Mariotto. Imaginée au printemps dernier et bientôt présentée à la Médiathèque José Cabanis, une version alternant langue française et langue des signes réunit actuellement au Théâtre du Grand-Rond Laetitia Bos, Martin Cros, Lucie Lataste, Corinne Mariotto, Delphine Saint-Raymond et Éric Vanelle.
Avec des moyens scénographiques simples — un castelet à hauteur d’homme, cinq cubes de bois de tailles variées se métamorphosant en lit, en calèche ou en podium de défilé de mode au gré des ajustements — et une mise en scène alliant narration et incarnation, musique et chorégraphie, l’ensemble est pétillant et fort plaisant. Ici, aucun costume ou élément de décor ne vient dater les récits situés dans le XIXe siècle de Maupassant. Eric Vanelle n’a pas cherché à retranscrire le contexte historique, y compris dans la nouvelle « le Lit 29 » où l’action a pour cadre la guerre franco-prussienne. Le metteur en scène a résolument opté pour le contemporain, sans perdre la pertinence et l’ironie du regard de l’auteur sur la société des hommes et des femmes.
Tout lecteur de Maupassant s’imaginera que porter à la scène une écriture non théâtrale, aussi fine, précise et narrative, sans tomber dans l’illustration, peut s’avérer périlleux. À cet égard, c’est « l’Inutile Beauté qui, des quatre nouvelles, se prête le mieux à l’exercice théâtral. Eric Vanelle a puisé dans ce récit, très moderne dans son propos, une forme pleine d’inventivités, rythmée, ponctuée de ruptures de jeu. Le côté narratif est ici habilement éludé par le truchement d’une gestuelle chorégraphique scandée, et par des interventions extérieures apportées par la charismatique Corinne Mariotto. Dans la bouche de la comédienne qui se fait la voix de l’auteur, l’adresse frontale au public sur sa conception du couple et sur la condition des femmes «pondeuses» résonne comme un pamphlet féministe, très jubilatoire.
Hormis la richesse du jeu des comédiens aux personnalités contrastées et la vitalité de la mise en scène, on se réjouira bien sûr de la truculence de la plume de Maupassant sur la complexité des relations amoureuses. Dans ces contes grinçants et cocasses, personne n’échappe à la satire sociale. Ainsi, l’homme y apparaît multiple, autant victime que bourreau, aussi docile que manipulateur, et la femme tantôt sensuelle, tantôt tyrannique. La société dépeinte par l’auteur trouve alors un écho bien actuel qui laisse le spectateur méditer sur la condition féminine, mais aussi sur la place des hommes perdus et malmenés par ces obscurs objets du désir…
Sarah Authesserre
une chronique du mensuel Intramuros
Version bilingue (français et langue des signes) :
jusqu’au 29 novembre, 21h00, au Théâtre du Grand-Rond,
23, rue des Potiers, Toulouse. Tél. 05 61 62 14 85.
mercredi 3 décembre, 18h00, à la Médiathèque José Cabanis,
1, allée Jacques-Chaban-Delmas, Toulouse. Tél. 05 62 27 40 00.
Version parlée :
samedi 6 décembre, 20h30, au centre culturel Le Moulin,
14, avenue de la Gare, Roques-sur-Garonne. Tél. 05 62 20 41 10.