« La prochaine fois, je viserai le cœur », un film de Cédric Anger
Divine surprise ! Pour son troisième long, Cédric Anger monte sérieusement en gamme. Après deux films pas tout à fait convaincants, ce réalisateur s’attaque ici à un fait divers horrible qui a terrorisé le département de l’Oise dans les années 70, passé dans l’Histoire sous le nom d’Affaire Alain Lamare. Ce dernier, gendarme de son état, a tué, ou tenté de tuer, plusieurs jeunes femmes. Son arrestation fut longue car, en fait, il participait directement à la recherche du tueur ! Son emploi du temps, un portrait-robot et ses empreintes digitales lui ont été malgré tout fatals. Arrêté, il ne fut pas jugé car reconnu irresponsable. Il est depuis interné. Le dernier opus de Cédric Anger suit de très près les évènements réels et se transforme quasiment en un docu-fiction passionnant et fascinant. Mais la surprise vient de sa mise en scène, d’une précision chirurgicale, de sa photo, volontairement brumeuse, à l’image des pensées psychotiques du tueur, de la BO, signée Grégoire Hetzel, un modèle de subtilité et d’intelligence. Portant le film sur ses épaules, Guillaume Canet incarne cet Alain Lamare avec une puissance mutique, un masque tout à la fois de marbre et d’effroi ainsi qu’ un engagement dramatique qui en disent long sur le talent de ce surdoué du cinéma français. Il sait, avec une justesse de ton effarante, transmettre toute la tension et l’angoisse du tueur au moment de passer à l’acte, tout comme son abattement et son désarroi qui suivent son geste. Nous sommes ici à la limite d’un thriller « clinique », tant la personnalité de ce malade nous est dévoilée dans ses méandres les plus intimes, y compris une homosexualité non assumée. Scénariste de son film, Cédric Anger signe ici un film qui éclaire d’un jour nouveau des talents jusqu’ici discrets.
Robert Pénavayre