Vous n’avez jamais eu envie de fuir ce foutu monde capitaliste ? Partir, envoyer bouler les règles, les lois, la société de consommation ? Vous réfugiez au plus loin d’elle, au cœur de la nature, vivre en osmose avec les animaux ?
Paco et Nora, eux, n’ont pas hésité une seconde.
Tels les Indiens d’un nouveau monde, ils ont construit leur camp, près de leurs poules, de leurs chevaux, profitant des bienfaits de la campagne, prodiguant à leurs enfants une éducation alternative où l’on prône une indépendance totale et un amour pour toutes les formes de vie, quelles qu’elles soient.
Mais après des années de cette vie en marge, loin d’un certain confort que dispense malgré tout cette société honnie, Nora est à bout et souhaiterait offrir de nouvelles perspectives à ses garçons.
Paco est intraitable et refuse toute concession. Elle s’enfuit donc un beau matin, les gamins sous le bras et se réfugie chez ses parents, ne laissant guère au père qu’un maigre droit de visite et de rares vacances.
C’est au cours de l’une d’entre elles que Paco va prendre une décision radicale : il ne ramènera pas les enfants à leur mère à la fin du séjour. Quitte à vivre dans la clandestinité jusqu’à la majorité de ses fils.
Pour son 11ième film, Cédric Kahn s’appuie sur un fait divers qui défraya la chronique il y a quelques années. Le réalisateur part de la cavale de Xavier Fortin qui pendant plus de 11 ans, a soustrait ses enfants à leur mère, les empêchant d’aller à l’école, les privant de toute forme de vie sociale.
Le long – métrage qui en résulte est particulièrement intense.
Équipé d’une caméra fluide, pratiquement toujours en mouvement, le réalisateur colle à ses personnages, relatant précisément le sentiment de cavale omniprésent. Cédric Kahn a également travaillé avec une équipe technique réduite, se débarrassant au fur et à mesure du matériel jugé superflu, privilégiant ainsi un éclairage naturel (en totale adéquation avec son sujet).
Mais Vie Sauvage n’est pas qu’un film sur la fuite en avant, il pose de réelles questions sur les valeurs de l’éducation, le regard de la société, les choix d’un homme (qu’on peut considérer comme arbitraires) et leurs conséquences sur sa progéniture.
Découpé en 2 grandes parties (une première, lumineuse, où les garçons, petits, sont en totale adoration devant Paco, une deuxième, toute en tension, où devenus adolescents, ils rejettent leur modèle), Cédric Kahn choisit intentionnellement les ellipses, adopte et défend (à sa manière) le point de vue du père.
Celui – ci est interprété par un étonnant Mathieu Kassovitz (qui prouve à chaque rôle le très bon acteur qu’il est), parfait dans le rôle de cet homme austère, inflexible, convaincu que ses idéaux sont les bons et les seuls valables, animé pourtant d’un amour sans bornes pour ses enfants.
Parlons – en des enfants d’ailleurs, ils sont tous absolument incroyables, de ceux qui les incarnent petits, David Gastout et Sofiane Neveu, à ceux qui les campent adolescents, Romain Depret et Jules Ritmanic.
Vie sauvage est un film d’une rare force, abordant un sujet compliqué tout en finesse, ne réduisant pas des personnes à leur simple parcours, invitant le spectateur à se questionner sur la nécessité d’un éventuel retour aux sources et le poids que font peser les parents sur leurs enfants.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio