La rentrée de l’Orchestre, le 18 septembre à la Halle, s’ouvre sous le signe de l’Est avec deux œuvres incontournables du domaine symphonique, le Concerto n°1, « le concerto idéal » dixit Svlatoslav Richter, de Tchaïkovski sous les doigts de Behzod Abduraimov, et la Symphonie n°9 en mi mineur, « du Nouveau Monde » d’Anton Dvorak, le tout sous la férule de son chef adulé Tugan Sokhiev. Un concert qui se devait d’être complet, assurément.
On en profite pour signaler, le 24, le récital de ce jeune pianiste ouzbèque au Cloître des Jacobins dans le cadre du Festival Piano aux Jacobins. Le programme vous est donné ci-dessous, plus quelques mots sur le concerto.
Jérôme Gac vous a tout dit du chef Tugan Sokhiev, ses années passées, les années à venir, les projets de ce surdoué de la direction d’orchestre, son agenda qui déborde d’événements, entre Moscou, Berlin et Toulouse, les tournées avec l’ONCT, et les nombreuses invitations pour diriger tel ou tel orchestre.
Attardons nous ici, un peu sur le soliste.
À l’âge de 18 ans, Behzod gagne le prestigieux Concours International de Piano de Londres avec son interprétation du Concerto n°3 pour piano de Prokofiev.
Behzod Abduraimov est né à Tashkent en 1990 et commence le piano à l’âge de 5 ans. Il fut l’élève de Tamara Popovich à Tashkent (Uspensky State Central Lyceum) et il étudie actuellement à Kansas City avec Stanislav Loudenitch.
Les places sont chères, mais Behzod Abduraimov s’est rapidement imposé comme l’un des pianistes majeurs de sa génération, grâce à ses performances plutôt fascinantes sur le clavier et la nature affirmée de ses interprétations de certaines œuvres. N’est-ce pas Eric Dahan qui écrit il y a peu, vantant « ses qualités époustouflantes » : « A savoir, une main gauche puissante mais jamais écrasante. Des attaques d’une précision chirurgicale. Une sonorité parfaitement ronde et timbrée sur toute la tessiture. Et surtout, un contrôle des plans sonores qui fait que les traits les plus virtuoses se détachent toujours de l’orchestre, sans que l’on perde une seule note…S’il faut qualifier son jeu, on dira qu’il est très masculin. Raffiné et lyrique, mais sans la moindre nervosité ou préciosité. » Un autre critique musical anglais vous dira qu’il a les réflexes neuro-moteurs d’un chat sauvage et les réserves d’énergie d’un athlète olympique au pic de sa forme !!
Malgré son tout jeune âge, il a déjà travaillé avec de nombreux chefs d’orchestre parmi les plus grands comme Ashkenazy, Gergiev, Petrenko, Dutoit, Vladimir Jurowski, Zinman….
Au printemps 2014, il fait ses débuts avec le Boston Symphony Orchestra sous la direction de Lorin Maazel, débuts qui seront suivis par une tournée en Chine. En Amérique de Nord, il a également été ré-invité au Kansas City Symphony ainsi que dans une série de récitals à Vancouver. Il fait aussi ses débuts dans la saison de concerts de l’Université de Princeton et a récemment travaillé avec les orchestres symphoniques d’Indianapolis, Atlanta, Ottawa et a donné un récital au Ravinia Festival. C’est un début de carrière époustouflant.
En Europe, Behzod Abduraimov sera en résidence avec l’Orchestre Philharmonique des Pays-Bas (Marc Albrecht) et sera prochainement invité par les plus grandes phalanges européennes. À la suite de ses débuts triomphants au Wigmore Hall à Londres, Abduraimov y sera invité de manière régulière au cours des prochaines saisons et il retournera également à La Societa dei Concerti à Milan (il fera le concert d’ouverture de leur saison). Il fait ses débuts à l’Auditorium du Louvre, au Théâtre Mariinsky, et ce en plus de nombreux autres récitals en Italie et en Espagne. Et il revient en force à Toulouse, notamment une deuxième invitation à Piano aux Jacobins.
Behzod Abduraimov est retourné au Japon pour faire cette fois ses débuts avec le NHK. (Il avait fait ses débuts japonais avec le Tokyo Symphony Orchestra en 2012).
Allegro non troppo e molto maestoso. Allegro con spirito – environ 19’
Andantino semplice – Prestissimo – entre 6 et 7’
Allegro con fuoco – entre 6 et 7’
Sur le Concerto n°1, il fut créé non pas à Moscou mais à…Boston le 25 octobre par le chef allemand Hans von Bülow, alors jeune pianiste virtuose en pleine tournée américaine et il connut un succès pratiquement immédiat. A la création, le Finale d’environ sept minutes fut “bissé“ ! Son compositeur lui-même ne surpassa jamais son premier jet, écrit dans un laps de temps étonnamment court. L’œuvre réunit tous les atouts que l’on attend d’un concerto pour piano, et à plus forte raison, pour ceux qui entrent dans la catégorie “romantique“ : des thèmes…“romantiques“, expressifs, une structure symphonique d’une grande clarté, une écriture pianistique brillante, qui sonne toujours bien, un dialogue entre le soliste et l’orchestre qui mène à des points culminants avec lutte entre les deux éléments qu’on pourrait résumer par l’interrogation : « Qui est capable de jouer le plus fort : le piano ou l’orchestre? » Tchaïkovski écrira : « une joute entre un puissant orchestre, disposant d’une palette de coloris inépuisable, et un petit adversaire, insignifiant mais doté de fermeté d’esprit, qui finit par l’emporter, si le pianiste est doué. Il y a beaucoup de poésie dans cette lutte, et d’infinies possibilités de combinaisons séduisantes.… S’il faut qualifier son jeu, on dira qu’il est très masculin. Raffiné et lyrique, mais sans la moindre nervosité ou préciosité… »
Dédié au départ au pianiste Nicolas Rubinstein, son nom fut rayé et la dédicace alla à son créateur von Bülow, Rubinstein ayant fait une critique assassine à sa première audition avec Tchaïkovski au piano. Il reconnaîtra son jugement, un peu rapide et lapidaire, et jouera le concerto dès…1878, à Paris.
Le succès et la popularité du concerto peuvent présenter certains inconvénients si les jeunes virtuoses du clavier, de plus en plus nombreux, l’utilisent comme un moyen de démontrer qu’ils sont capables de jouer les octaves les plus rapides et les plus sonores. Certains passages deviennent alors, hélas, caricaturaux sans parler de notes qui passent finalement à la trappe comme à la fin du dernier mouvement ! mais le soliste et le chef vont veiller à tout cela pour nous offrir, à coup sûr, une version live de toute beauté dans le respect de la partition.
Programme du récital du 24 au Cloître des Jacobins, un programme dense, divers et sans concessions
LISZT
Bénédiction de Dieu dans la solitude (ext. Harmonies poétiques et religieuses)
CHOPIN
Ballade n°1, en sol mineur, op.23
Ballade n°4, en fa mineur, op.52
DEBUSSY
Children’s corner
Doctor Gradus ad Parnassum
Jimbo’s Lullabay
Serenade for the doll
The snow is dancing
The little Shepherd
Golliwogg’s cake-walk
RAVEL
Gaspard de la nuit
Ondine
Le Gibet
Scarbo