Memento mori ou, « souviens-toi que tu mourras » ou encore vanités, pour se rappeler que nous ne sommes que de passage. Un crâne, n’est-ce pas la représentation la plus explicite de cette locution qui défie le temps et sera illustrée aussi longtemps que l’être humain sera capable de représentation.
Les formes en sont devenus multiples depuis le classique crâne jusqu’aux créations actuelles les plus stupéfiantes de par l’imagination de leur propre…créateur !
Une exposition originale dans un lieu se prêtant parfaitement à ce mélange proposé d’art tribal et d’art contemporain, mélange qui galvanise les pièces présentées de par leur opposition et en même temps les rapproche de par leur beauté et ce qu’elles transcendent.
Le crâne « représente le passage de la mort à la résurrection, l’abandon de l’enveloppe charnelle ». Il est l’une des iconographies symboliques des plus courantes en tant que vanité. L’exposition regroupe ici le travail de quatre artistes, les tirages photographiques assez déroutants de Corinne Deniel sur un travail de détournement de jerricans en matière plastique qui prennent alors visage humain, sorte de memento mori contemporains.
Jean-Marie Lambert, sculpteur, joue du blanc et du noir dans des compositions qui laissent libre cours à notre imagination, pouvant alors s’approprier les propos d’un Jacques Kerchache avec sa vision focalisée sur les fétiches vaudou : « L’art demeure une ouverture, il est par excellence, la manifestation de la liberté : global, universel, atemporel, il est mis à la disposition de tous ceux qui savent l’entendre. »
Propos toujours valables pour le travail d’André Bour. Son crâne envahi par ces tuyaux en verre pour changer de ceux, autrefois, envahis par serpents ou vers, est là pour démontrer que les vanités sont toujours d’actualité, et dopent notre imaginaire. La représentation du crâne est bien inséparable de la vie.
Quant à ses gouaches, partons avec lui et avec Fernando Pessoa. La vanité est la plus emblématique de toutes parce qu’elle nous rappelle que « tout ce que nous pouvons dire ou faire, penser ou sentir, porte un même masque ».
On pourrait presqu’asséner : « si ce crâne de cervidé gravé ne vous émeut pas, passez votre chemin ! » mais ce serait un brin présomptueux. Pareil pour toutes les autres pièces d’art primitif présentées, les plus « remuantes » se situant bien du côté des fétiches et autres attributs de devin.
A propos des fétiches, Pablo Picasso à André Malraux : « Tous nous aimions les fétiches. Van Gogh a dit : « l’art japonais, on avait tous ça en commun ». Nous, c’est le nègre. Leurs formes n’ont pas eu plus d’influence sur moi que sur Matisse ou Derain, mais, pour eux, les masques étaient des sculptures comme les autres. Quand Matisse m’a montré sa première tête nègre, il m’a parlé d’art égyptien…Quand je suis allé au Trocadéro, c’était dégoûtant. Un vrai marché aux puces. J’étais tout seul, je voulais m’en aller, mais je ne partais pas, je restais, j’avais compris que c’était très important, il m’arrivait quelque chose… on était en pleine magie… Les masques, ils n’étaient pas des sculptures comme les autres, ils étaient magiques. »
Prenez le temps de regarder, d’observer, de vous attarder, de revenir en arrière, de vous interroger ; n’ayez crainte, vous pourrez le faire en toute tranquillité.
Et n’oubliez pas : « La spiritualité des vanités, que nous ne cessons jamais d’aller chercher dans les thèmes religieux, procède de toute la peinture et se décline dans tous les arts et sous tous les genres, même dans les cas non théologiques de l’art contemporain. » Alain Tapié
Cette expo est bien une des plus belles et intéressantes en ce moment, « en ville » comme on dit. Merci à Michèle Gondebeaud et à tous ces collaborateurs du moment.
Michel Grialou
L’Atelier MG – Galerie Michèle Gondebeaud
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