« Night moves », un film de Kelly Reichardt
Derechef immergé dans le monde trouble d’un trio d’activistes écolos, on est immédiatement saisi par l’immédiateté de la mise en scène. La réalisatrice suit au plus près ses trois « héros » avec un souci affiché d’ignorer tout effet de lumière ou de caméra qui pourrait trahir le propos en le décorant. Josh, Dena et Harmon ont tout simplement décidé, à eux seuls, de faire sauter un barrage. Promis juré, à cette saison, il n’y aura pas de victime. De nuit, leur bateau, bourré d’explosifs, est ancré au pied de l’édifice, le trio s’éclipsant ensuite en pirogue. Boum ! Exit le barrage. Un mort… Par mesure de sécurité, le trio a, lui aussi, explosé, jurant de ne plus communiquer entre eux jusqu’à nouvel ordre. Les garçons s’en tirent plutôt bien. Ce n’est pas le cas de Dena. Panique. Risque de fuites. Josh décide d’agir. Le suspense se transforme en film d’angoisse.
Tourné dans les magnifiques décors naturels de sud de l’Oregon, ce film est porté de bout en bout par la performance de Jesse Eisenberg, l’inoubliable Mark Zuckerberg du très réussi The Social Network (2010). Il est ici un Josh taiseux frôlant l’autisme, seul au monde, chargé certainement de mille douleurs, vraisemblablement à sa propre recherche. Sa démarche traînante et son regard fixe et vide à la fois le rendent insaisissable. Quel moteur, quelle envie le fait avancer ? La fin, énigmatique pour le moins, vous laissera dans l’interrogation. Dans son apparente simplicité, le film, lui, vous aura fasciné, effaçant son heure 47 de projection avec une maîtrise sidérante. Loin de tout message écolo, la cinéaste interroge ici en filigrane les thèmes de la responsabilité et du remord. Superbe !
Robert Pénavayre