Entre splendeur visuelle et intelligence dramaturgique, Aurélien Bory présentait « Plexus » au Théâtre Garonne, un portrait de la danseuse japonaise Kaori Ito.
Enfin le metteur en scène toulousain Aurélien Bory met de côté sa technicité d’enfant prodige pour revenir à l’essentiel : à l’humain, à son intériorité ! Il n’en fallait pas moins pour cette danseuse japonaise à l’organicité intense, Kaori Ito, qu’il met en scène dans Plexus, solo que l’on peut encore voir au Théâtre Garonne. Après nombre de pièces où le dispositif scénique tendait à effacer l’être, où la scénographie était ce personnage principal servi par les acteurs acrobates, Aurélien Bory réussit à allier ici splendeur visuelle et intelligence dramaturgique pour un portrait complexe et tout en subtilité de Kaori Ito.
Alors, bien sûr, comme toujours chez Bory, l’imaginaire est laissé à chacun ; au spectateur donc de se faire ses images intimes du Japon, avec ses propres références, celle des films de Mizoguchi, de Kaneto Shindo, ou d’œuvres littéraires dans lesquelles le fantastique, l’ancestralité côtoie l’ultra modernité et l’avant-garde technologique. Mais c’est avant tout le corps vivant qui est au cœur du spectacle. Ce corps qui palpite, tel qu’on peut l’éprouver dans le prologue, où la danseuse fait entendre par le truchement d’un micro et d’une acoustique amplifiée, les battements de son cœur, les respirations et les bruits intimes de son corps en mouvement, secoué, saccadé. Nous la retrouvons prisonnière d’un tissage, d’un entrelacement de fils multiples – ce «plexus» : corps enfermant un autre corps. Corps contorsionné, démembré et fiévreux, corps féminin et charnel, corps en apesanteur, corps éthéré, fantomatique… qui finira par s’évaporer, comme dans les contes japonais, laissant s’envoler dans les airs, une étole, trace de son existence terrestre.
D’une grande rigueur plastique, « Plexus » n’en laisse pas moins la place à l’émotion. Le travail sublime de la lumière – d’Arno Veyrat – et la composition musicale organique, pulsative – du décidément très brillant Joan Cambon – étreignent le spectateur d’un sentiment trouble, celui d’un rêve superbe et angoissant. « Plexus » concrétise la parfaite symbiose entre le dispositif scénique et la personnalité de la danseuse au parcours chorégraphique impressionnant : Philippe Découflé, Angelin Preljocaj, James Thiérée, Alain Platel… Et Aurélien Bory signe là un portrait de maître.
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio
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photo © Mario Del Curto