Pour le dernier concert de sa saison, le cycle des Arts Renaissants invite deux musiciennes de grand talent, la flûtiste Sandrine Tilly et la pianiste Anne Le Bozec dont le duo fonctionne de belle manière depuis déjà une vingtaine d’années. Trois grandes œuvres emblématiques de ce répertoire de musique de chambre composent le programme qui sera présenté le 16 avril prochain dans le salon rouge du Musée des Augustins.
Peu d’ensembles de musique de chambre ont, tel le duo flûte-piano de Sandrine Tilly et Anne Le Bozec, le privilège de fêter leurs 20 ans d’existence… Dès leur rencontre en 1993, les deux musiciennes ont trouvé dans l’alchimie du duo le ciment d’une complicité, d’une amitié et du talent qui forment les ensembles de musique de chambre les plus accomplis. Leurs études communes au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et leurs parcours personnels – l’une devient flûte solo de l’Orchestre National du Capitole, l’autre spécialiste de l’univers du lied – ne font que fortifier leur précoce association. Le duo, unanimement reconnu comme un magnifique ambassadeur de la musique française du XXème siècle, propose un vaste répertoire : des sonates classiques aux œuvres d’aujourd’hui, ainsi que des transcriptions et adaptations de pièces orchestrales ou de lieder.
1er Prix de musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, lauréates du Concours International de Sonates de Vierzon, du Forum International de Musique de Rouen, du Concours International de Duo « Schubert und die Moderne » de Graz… : ces références ouvrent aux deux musiciennes les portes de grands festivals d’Europe et d’Asie, et leurs concerts sont diffusés sur les media radiophoniques et télévisuels. Le duo s’associe volontiers avec d’autres artistes, chanteurs, violoncellistes et propose de nombreux programmes originaux et audacieux.
Les trois œuvres inscrites au programme sont parfaitement représentatives des caractéristiques des compositeurs et des périodes qu’elles illustrent. De Joseph Haydn, les deux musiciennes joueront tout d’abord la Sonate en sol majeur pour flûte et piano, transcription du quatuor en sol majeur opus 77 n°1. En 1799, Haydn entreprend la composition d’un cycle de six nouveaux quatuors à cordes, forme « classique » exigeante qu’il a déjà portée à un haut niveau de perfection. Mais Haydn, qui travaille parallèlement à son oratorio « Les Saisons », avoue : « toute ma force s’en est allée, je suis vieux et faible ». Il ne parviendra pas à achever cet opus 77 dont seuls deux quatuors subsistent et qui seront également les derniers dans ce domaine. La transcription du quatuor 77 n°1 a vraisemblablement été réalisée par August-Eberhard Müller en 1803, qui l’intitule « Sonate pour le pianoforte avec accompagnement d’une flûte ou d’un violon, par J. Haydn » comme opus 90 dans le propre corpus de son œuvre. Des 4 mouvements du quatuor, seul le menuet sera supprimé, mais l’ensemble reste fidèle à la conception générale de l’œuvre originelle, au caractère brillant et tout à fait classique dans sa forme.
De Franz Schubert, ce sera ensuite Introduction et variations sur « Trockne Blumen » D 802. En janvier 1824 Schubert écrit une série de variations pour flûte et piano en mi mineur, à partir du thème du lied « Trockne Blumen » [Fleurs séchées] extrait du cycle« Die Schöne Müllerin » [La Belle Meunière]. A plusieurs reprises, Schubert a fait usage de ce procédé comme c’est le cas pour le quintette avec piano « Die Forelle » [La Truite], le quatuor à cordes « Der Tod und das Mädchen » [la Jeune fille et la Mort] ou encore la « Wanderer – Fantasie » [la Fantaisie du Voyageur] écrite pour le piano.
Enfin, Prokofiev occupera toute la seconde partie de soirée avec sa Sonate en ré majeur opus 94. Composée en 1943 et créée la même année à Moscou, cette sonate reflète l’un des aspects les plus caractéristiques du compositeur. Durant cette période, il travaille également au côté du cinéaste Eisenstein pour la réalisation d’« Ivan le Terrible », grande fresque historique qui succède à l’opéra « Guerre et Paix » et au ballet « Cendrillon ». Désireux de marquer une pause et de revenir vers une forme « abstraite » et « apolitique », Prokofiev déclare en 1944 : «C’était mon vœu de redonner à la sonate la brillance et la clarté de la musique classique» […], et d’écrire une œuvre pour la flûte, instrument « insuffisamment représenté dans la littérature musicale ».
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Mercredi 16 Avril à 20h30
Salon rouge du Musée des Augustins
Les Arts Renaissants