Les Clefs de Saint-Pierre invitent les curieux de belle musique à leur prochaine rencontre du 17 mars. Il s’agira cette fois de rendre un hommage particulier à celui que l’on appelle parfois, avec une certaine condescendance, le bon Papa Haydn. Sera interprétée ce soir-là l’une des œuvres les plus poignantes de Joseph Haydn, la version pour quatuor à cordes de sa partition témoin de son attachement indéfectible à la foi chrétienne, « Les Sept dernières Paroles du Christ en Croix ». L’œuvre musicale sera présentée accompagnée des textes conçus pour elle par le philosophe Michel Serres.
En 1786, Haydn compose une œuvre tout d’abord purement orchestrale pour accompagner le texte biblique. Résultat de la commande d’un chanoine espagnol de Cadix, elle est destinée à illustrer une cérémonie du Vendredi Saint dans l’église de Santa Cueva de la cité. Elle est constituée de sept adagios orchestraux qui illustrent et commentent les paroles que Jésus prononça avant de mourir. Le premier concert a lieu à Cadix le 6 avril 1787. Le 8 avril suivant, Haydn joint à sa partition cette recommandation à son éditeur : « Chacune des sonates, chacun des textes plutôt, est rendu par une musique uniquement instrumentale, de telle sorte que même dans l’âme de ceux qui savent très peu de choses, elles suscitent l’impression la plus profonde. »
La même année, l’éditeur Artaria propose une version pour quatuor de la main même de Haydn, et c’est celle-ci qui nous est proposée dans ce concert. Plus tard, une version pour piano verra le jour, puis enfin une version oratorio sera écrite en 1795.
Les sept mouvements Adagio qui composent le cœur de l’œuvre sont précédés d’une introduction en ré mineur, également Adagio, et suivis d’une fulgurante conclusion « Terremoto » évoquant le tremblement de terre qui accompagne la mort du Christ. Haydn réalisa très vite la difficulté de l’entreprise. La succession de ces mouvements lents sans contrastes de tempo risquait d’engendrer la monotonie. Le génie du compositeur lui permit d’éviter cet écueil en faisant varier les tonalités, le rythme, les phrasés et en agissant, dans cette version pour quatuor à cordes, sur les modes de jeu instrumental : avec sourdine, arco, pizzicato…
Le texte de Michel Serres, qui accompagne le déroulement de toutes les séquences de l’œuvre, est issu d’une commande du Quatuor Ysaÿe au philosophe. Celui-ci déclara d’abord son embarras : « Je me vis bloqué entre la partition de Haydn, admirable, l’Ecriture Sainte et leur interprétation, dont je ne suis pas digne.[…] Ecrites en essayant de l’oublier, ces quelques phrases méditent autant que possible sur la résonance aux Sept Parolesdes questions de notre temps : l’abandon et la violence, la peine de mort, la naissance, la généalogie et la parenté… »
Ces textes seront dits par le récitant Hervé Salliot et les interprètes de ces sublimes musiques seront les quatre musiciennes qui constituent le Quatuor « Cordes et âmes », autrement dit, Charlotte Léderlin et Mary Randles, violons, Isabelle Mension, alto et Blandine Boyer-Terrieux, violoncelle, toutes issues de l’Orchestre National du Capitole..
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Les Clefs de Saint-Pierre
lundi 17 mars 2014 à 20h00
Auditorium Saint-Pierre des Cuisines
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