La sortie d’un film d’Hayao Miyazaki est toujours un petit évènement. Pourtant, cette projection du Vent se lève avait une saveur toute particulière. En effet, si on parle bien de la dernière production en date du grand maître de l’animation, on parle surtout de la der des der. Après celle – là, basta, finito, on baisse le rideau, le réalisateur prend sa retraite.
A 73 ans, il ne l’aura pas volé ce brave homme. Depuis plus d’un demi – siècle qu’il se consacre au dessin et à l’animation, qu’il a créé (avec son compère Isao Takahata) le formidable studio Ghibli, il mérite de goûter à un repos mérité. Mais ça n’empêche, en spectatrice résolument égoïste, je pense surtout à ma gueule et au grand vide que va laisser derrière lui le papa de Mon voisin Totoro et de Princesse Mononoké. A partir de dorénavant, l’univers de l’animation va sembler un peu plus morose …
Jirô est un petit garçon qui éprouve une véritable passion pour les avions. A tel point que ses rêves en sont peuplés et qu’il y rencontre souvent un Giovanni Caproni (grand ingénieur aéronautique italien) lui prodiguant ses conseils. Bien que l’enfant souffre d’une myopie qui l’empêche de devenir pilote, ces entrevues imaginaires l’amènent à devenir un brillant ingénieur.
Voyageant à travers son pays et le monde, traversant les époques et les conflits armés, Jirô n’aura qu’une obsession : fabriquer l’avion parfait. Même si cela doit impliquer beaucoup de sacrifices.
Pour clôturer une carrière faste, Hayao Miyazaki signe un film beaucoup plus personnel qu’à son habitude et qui met de côté les éléments fantastiques jalonnant habituellement ses longs – métrages.
L’univers développé ici est effectivement très réaliste, pas de créatures extraordinaires ni d’esprits de la forêt ou de dieux nippons. Pour la première fois, le réalisateur s’est même inspiré d’individus ayant réellement existés pour imaginer ses personnages. A travers la vie de Jirô (que l’on suit de l’aube du vingtième siècle, sur une vingtaine d’années), on assiste à l’histoire du Japon, les tremblements de terre qui le secoue, sa course à l’industrialisation, son entrée en guerre (Hayao Miyazaki est né peu après cette période, il en a connu les ravages et a fui Tokyo pour échapper aux bombardements américains).
Si le réalisateur délaisse le fantastique au profit du réel, il n’en va pas de même pour les autres thèmes récurrents à son cinéma. Le vent se lève est même une ode à un sujet cher à son coeur : voler (qu’il avait déjà illustré dans Nausicaä de la vallée du vent ou Porco Rosso). On y retrouve aussi son goût pour l’enfance et la nature.
Une autre chose reste constante : sa virtuosité à raconter une histoire, à rendre plein de poésie un récit qui ne l’est pas toujours, à faire appel à la part d’enfance tapie au fond de chacun d’entre nous.
Que vous ne soyez pas un familier des mangas importe peu. Que vous ne connaissiez pas l’univers d’Hayao Miyazaki ne pose pas problème non plus. Le vent se lève sera même une très bonne porte d’entrée vers son monde (et si cela vous plaît, vous aurez tout le bonheur d’avoir à découvrir une oeuvre luxuriante).
Pour le moment, j’aurais simplement envie de souhaiter de bonnes vacances à Hayao. Si le studio Ghibli perdure (Takahata n’a pas l’air d’avoir des projets similaires à ceux de son ex – collègue, le fiston Goro Miyazaki a déjà repris le flambeau), on n’est jamais à l’abri qu’un de ces jours, le jeune retraité ait envie de revenir produire une de ses merveilles dont il a le secret.
Mr Miyazaki, en vous remerciant pour tout.