La vies est une chienne. Surtout quand on a un père qui a déserté les parages, une mère aimante mais sacrément dépassée par les évènements et un frère dont l’activité principale réside dans le ratage systématique de ses cures de désintoxication.
Tout ça, c’est le quotidien d’Arbor, blondinet de 13 ans aux émotions constamment à fleur de peau et qui ne connaît de l’existence que le côté le plus sombre. Heureusement que dans la vie, il y a aussi Swifty, le débonnaire, le paisible, le sensible Swifty, l’amoureux des chevaux, le seul qui sache prendre soin de lui pendant ses crises, la tête de turc pour qui Arbor est capable de défier des élèves deux fois plus grands que lui.
Suite à une énième bagarre, les 2 garçons se font renvoyer de l’école. C’est l’occasion de traîner ensemble, libres, et pour se faire un peu d’argent, de ramasser la ferraille afin de l’apporter à la casse de Kitten.
Fasciné par le bonhomme, Arbor aimerait qu’il s’intéresse plus à lui. Mais Kitten, homme distant, rêche (et accessoirement organisateur de courses clandestines) ne pense qu’à son propre profit. Il va plutôt se tourner vers Swifty dont il a décelé la passion pour les chevaux.
(très) librement inspiré d’un conte d’Oscar Wilde (présent dans le recueil de nouvelles Le fantôme de Canterville), la réalisatrice Clio Bernard transpose son histoire dans un quartier populaire du nord de l’Angleterre où le chômage, l’inactivité, le décrochage scolaire, les manques de repères et de perspectives d’avenir font plus de victimes que les géants malveillants qui rôdent.
Très joli film sur une indéfectible amitié, aussi fort émotionnellement qu’empreint d’une immense tristesse, Le géant égoïste doit énormément aux qualités d’interprétation de ses très jeunes acteurs principaux (dont c’est le tout premier film) :
Shaun Thomas, prêtant ses traits au doux Swifty, étonnant de maturité.
Conner Chapman, l’interprète d’Arbor, naviguant sans effort d’une incroyable insolence à un registre totalement bouleversant. A bien des moments, on donnerait n’importe quoi pour traverser l’écran, le prendre dans ses bras et lui assurer que tout va bien se passer …
Aussi formidables l’un que l’autre, ils éclipsent les adultes qui les entourent, dégageant ce que bien d’acteurs plus confirmés qu’eux seraient en peine de produire.
Avec Le géant égoïste, Clio Barnard réussit le pari de toucher son spectateur avec force sans toutefois verser dans un mélo lacrymal. L’histoire est belle, dure, tout autant que peut l’être la vie. Well done.
En vous remerciant.