« Prisoners », un film de Denis Villeneuve
Somptueux en effet, mais totalement flippant ! Le réalisateur québécois nous livre ici, en 2h33 d’un suspense à la limite du supportable, son meilleur opus. Et Dieu sait si l’exercice est difficile ! Soit donc une petite bourgade perdue au fin fond d’une campagne improbable. C’est l’hiver. Pendant que deux couples fêtent Thanksgiving, leurs deux petites filles disparaissent. L’un des deux pères va faire entièrement confiance à la police, l’autre, Keller, va se ruer sur un présumé coupable, l’enlever et le torturer jusqu’à ce qu’il dise où se trouvent les enfants. Pendant ce temps, l’inspecteur Loki, dans un brouillard total, se morfond en conjectures, essayant de calmer les esprits. De rebondissements en fausses pistes, le thriller vous met les nerfs en pelote de fils de fer barbelés (c’est le but). Et ce d’autant plus que la mise en scène est d’une efficacité redoutable. Cadrage, lumière, musique, direction d’acteur, tout ici atteint des sommets de virtuosité. C’est à Wolverine, pardon, Hugh Jackman, que le cinéaste a confié le rôle de Keller, ce père déchiré en morceaux par la disparition de sa fille et persuadé que la police ne fait pas le maximum pour la retrouver. Avec des personnages tel que celui-ci l’on jauge alors la profondeur du talent d’un comédien, fut-il artiste de cinéma. Et là, il faut reconnaître que l’Australien nous en met plein la vue ! Pourtant, face à lui, une autre pointure, dans un tout autre registre, tient le rôle de Loki, c’est Jack Gyllenhall. Taiseux jusqu’à l’autisme, il prend les coups sans les rendre, enfermé, comme tous les autres personnages de ce film (d’où le titre), dans son univers. L’inoubliable cow-boy de Brokeback Mountain est encore ici d’une intensité redoutable. Âmes sensibles, attention, mais bon sang, quelle décharge d’adrénaline !
Robert Pénavayre