« Blue Jasmine », un film de Woody Allen
Revoici le cinéaste américain sur ses terres. Finis Paris, Londres, Rome, Barcelone, rebonjour New York et San Francisco. C’est entre ces deux villes que Jasmine (formidable Cate Blanchett) va vivre sa descente aux enfers. Côte Est, le luxe, le grand amour, la réussite sociale, l’argent. Jasmine est mariée à un homme d’affaires, Hal (Alec Baldwin) dont la réussite est aussi somptueuse que rapide. Il ne refuse rien à sa bien-aimée. Il l’aveugle de cadeaux somptueux. Il l’aveugle d’ailleurs au point que celle-ci n’imagine pas une seconde que Hal la trompe avec la première jupe qui passe. Et pourtant… Il l’aveugle aussi de telle manière que Jasmine, tout en se doutant quand même de quelque chose, ne tente pas d’approfondir le petit Madoff qui sommeille chez son mari. Mais voilà, la vie est ainsi faite que, du jour au lendemain, Jasmine est ruinée et…veuve car Hal se pend dans la cellule où il a été enfermé pour escroquerie. Sans un sou, elle gagne la Côte Ouest et se fait recueillir par sa demi-sœur, Ginger (fantastique Sally Hawkins), caissière dans un super marché et amoureuse à la petite semaine. Le choc est violent ! Violent au point que Jasmine disjoncte. Entre anxiolytiques et vodka, elle ne franchira pas indemne la fracture sociale que lui impose la vie. Le rêve américain se brise net et avec lui le destin de la belle Jasmine. Ce n’est pas que celle-ci n’essaie pas de rebondir. Et d’ailleurs le hasard lui ouvre grand les portes d’une véritable résurrection. Mais son passé la poursuit de ses assiduités et la fera basculer dans le vide définitivement. Woody Allen, avec une maîtrise parfaite de son art, n’est plus ici dans le registre de la comédie. Son film est désespéré. Voire désespérant, car c’est aussi l’image d’une Amérique dont la réussite ne se conçoit pas sans des wagons de dollars.
Robert Pénavayre