Nathalie Nauzes met en scène « Purgatory », une pièce Nô de William Butler Yeats, ou la rencontre entre un genre théâtral japonais et un conte irlandais au souffle poétique. Une expérience sensorielle à vivre au Théâtre Le Hangar.
Celle qui créa « Démons » de Lars Norén, en 2009, est une personne secrète et réservée. «Dans le théâtre, ce qui m’intéresse c’est ce qui n’est pas clairement dit, ni clairement visible», dit-elle avec délicatesse. «Pour moi, l’ombre des choses, leur trace est plus importante que la chose elle-même…». Metteuse en scène de Quad & Cie, Nathalie Nauzes aime travailler sur le clair-obscur. Comme les peintres qu’elle affectionne, tel le symboliste belge Léon Spilliaert, la lumière est source d’inspiration de ses mises en scène. Si l’ombre des vivants planait sur « Démons », sa nouvelle création au Théâtre Le Hangar, « Purgatory » du poète William Butler Yeats, convoque celle des morts, des fantômes. La mort est une problématique qu’elle aime creuser. «Le théâtre est un bon terrain pour côtoyer la mort. Mais comme le dit si justement l’auteur suédois Lars Norén, parler de la mort est une incitation absolue à vivre». Dans cet éloge de la pénombre qu’est « Purgatory », une famille est hantée par la conséquence d’une faute qui se transmet de génération en génération. Si le texte est conçu sur le modèle du Nô, forme théâtrale japonaise traditionnelle à laquelle Yeats n’a pourtant jamais assisté, c’est dans la dramaturgie que réside son concept : celui d’une idée brève, condensée, source d’émotions et de sensations où la métaphore se fait récurrente… «Dans notre culture de la scène, ce sont les actions qui font avancer la dramaturgie. Dans le Nô, c’est l’arrivée d’un personnage qui permet le déplacement des idées. Le folklore celte est peuplé des même légendes que dans le théâtre Nô, des histoires d’âmes qui viennent hanter les lieux en ruine», raconte Nathalie Nauzes.
La metteuse en scène cite le critique Georges Banu : «Au japon il ne suffit pas d’être un homme pour intégrer le monde du théâtre traditionnel, il faut aussi être un fils. En dehors de la famille et de sa lignée nul espoir d’accès au plateau»(1). Une transmission filiale que l’on retrouve dans ce drame où, de père en fils, les hommes sont entrainés dans une chute sans fin. «J’ai découvert ce texte de Yeats grâce à Samuel Beckett, auteur qui m’est cher et dont c’est la pièce favorite. Comme chez Beckett, les personnages de « Purgatory » attendent que quelque chose leur arrive». Pour sa distribution, Nathalie Nauzes, qui est également comédienne, a fait appel à son ancien professeur de 3BC Cie, Philippe Bussière, à l’un des anciens élèves des ateliers qu’elle anime, Adrien Desbons, et à Nathalie Andrès, sa comparse de longue date qui l’avait dirigée dans « Liberté à Brême ». «Comme moi, Nathalie sait que pour diriger les acteurs, il faut savoir les écouter, les aimer. Le théâtre est un espace vide à l’intérieur duquel on cherche ce qu’il y a à bouleverser dans un texte, dans une scène, dans une nuit…».
Sarah Authesserre
pour le mensuel Intramuros
« Purgatory », du jeudi 25 au samedi 27 avril, 21h00, au Théâtre le Hangar, 11, rue des Cheminots, Toulouse. Tél.: 05 61 48 38 29.
Rencontre – Lecture autour du spectacle, mardi 16 avril, 18h00, à la librairie Ombres Blanches, 50, rue Gambetta, Toulouse. Tél. 05 34 45 53 33.
(1) « L’acteur qui ne revient pas » (Gallimard)