Je ne sais pas vous mais moi je ne suis pas une spécialiste du cinéma de Pedro Almodovar.
J’ai une connaissance floue de son travail à ses débuts, je n’ai accroché le wagon qu’un peu plus tard, sur ses longs – métrages des années 90, à partir de Talons Aiguilles on va dire. Ceci dit, même une vision partielle de sa carrière fait que j’aime beaucoup le bonhomme, j’ai toujours trouvé formidables ses réalisations baroques, sa façon de décrire une société espagnole en s’affranchissant des conventions, sa manière de filmer les femmes (ultras féminines, jouisseuses, sachant ce dont elles ont envie et ne reculant devant rien pour y accéder), sa capacité à mettre en scène une certaine partie de la population (prostituées, travestis …) sans clichés ni stigmatisation et sa façon d’aborder la sexualité de façon ludique et joyeuse. Bref, chez Almodovar ça vit et c’est bien.
Dans sa dernière réalisation, on suit les tribulations des passagers et du personnel de bord d’un avion de ligne Madrid – Mexico.
A la suite d’une erreur technique, l’appareil est condamné à tourner en rond au – dessus de l’espace aérien ibérique en attendant qu’un aéroport libère ses pistes afin de préparer un atterrissage en catastrophe. Pour éviter un mouvement de panique des passagers, les stewards droguent l’ensemble de la classe économique. Ils doivent par contre gérer les débordements des passagers de la première classe.
Entre une médium qui a décidé de perdre sa virginité, un homme d’affaires en cavale, un spécialiste mexicain de la sécurité, un couple de jeunes mariés passeur de drogue, une ex – star du porno reconvertie dans l’industrie de l’escort girl, un plus si jeune premier et un équipage passablement gay et sous mescaline, les choses ne vont pas se dérouler aussi simplement que prévu.
Pour son dernier long – métrage, Pedro Almodovar, retrouve un genre qu’il avait délaissé depuis quelques années : la comédie. Après une période de réalisations assez sombres voire dramatiques, le réalisateur retourne vers un registre beaucoup plus léger, à l’atmosphère guillerette et au déroulement foutraque.
Le ton est donné dès le départ avec un générique aux visuels délibérément sixties, pop et mis en musique par les fameux Los Destellos et leur réjouissante reprise de la lettre à Elise.
Le reste de la bande – son est à l’avenant, drôlement enjouée. L’histoire se déroulant principalement dans l’avion, un soin tout particulier a été apporté au design des intérieurs, délicieusement rétro et graphique.
L’intrigue progresse dans un joyeux bordel (nombre des protagonistes abusant allègrement de cocktails améliorés et de substances psychotropes diverses), rythmée par les appels des personnages à leurs proches (en raison du possible crash), de dialogues qui fusent et d’animations proposées par un équipage tentant de détendre des passagers au bord de la crise de nerfs (avec une mention toute spéciale pour la chorégraphie – signée de Blanca Li – exécutée par les 3 replets stewards sur le titre des Pointer Sisters » I’m so ecxited « , vrai moment de grâce et de joie !!).
Sous l’emprise de la mescaline, les langues se délient, les corps se rapprochent et tout ce petit monde tente d’approcher le 7ième ciel avant de s’y retrouver réellement. Seule, une petite sous intrigue (pas des plus intéressantes) casse le rythme de ces joyeuses embardées en faisant sortir l’histoire d’un huis clos aérien.
J’ai bien lu quelque part qu’avec les Amants Passagers, Pedro Almodovar n’avait pas signé un film majeur. C’est possible, on est loin de se trouver dans un registre similaire à celui de Tout sur ma mère. Cependant, je ne suis pas certaine que c’était le but de la démarche. D’ailleurs il me paraît concevable qu’un film joyeux, drôle et léger, fourmillant de personnages haut en couleur servis par des acteurs impeccables (Javier Camara, Lola Duenas ou Raul Arevalo, pour ne citer qu’eux) ne soit pas, pour autant, synonyme de médiocrité.
Si on ne peut pas réaliser Volver à chaque fois, on peut par contre réussir à égayer un pluvieux après – midi de mars, activité me paraissant déjà particulièrement honorable. Rien que pour cela, Pedro je te dis merci.
En vous remerciant.