Oies, jars et gentils canetons caquetaient d’aise à la sortie, toutes plumes ébouriffées, car la diva n’a pas eu besoin de chanter trente six arias pour se mettre dans la poche le public du Théâtre venu très nombreux à son récital, dans le cadre de l’abonnement Figaro. Une salle pleine aussi grâce à ses fans, peut-être moins nombreux que pour certain(e)s “coqueluches“ tenant haut et fort le haut du pavé, mais gageons qu’après un tel concert, leur nombre aura singulièrement augmenté.
En effet, Joyce DiDonato n’est pas la première venue. Prière de consulter l’article de votre aimable serviteur annonçant la soirée.
Que faut-il rajouter ? D’abord la prestation remarquable de l’orchestre l’accompagnant, Il Complesso Barocco qui a rendu tous les intermèdes musicaux passionnants, valorisant le concert au maximum. De l’énergie, que diable, de la puissance, tout à fait ce qu’il fallait comme dynamique pour appuyer Drama Queens, le programme de la diva, , construit à partir d’airs élégiaques ou plaintifs mais aussi d’airs de rage et fureur plus ou moins contenues. Placé sous la direction de son jeune et fougueux premier violon érigé en chef et soliste, Dmitry Sinkovsky, il a fait un “tabac“. Sans vouloir épiloguer, Alan Curtis a peut-être trouvé là, un digne successeur à la tête de sa formation baroque. Mais, peut-être, est-ce déjà fait. Violoniste redoutable, pour son illustre instrument ! l’homme « vit » sa musique, capable de “fabuleux excès“. Il fait penser à un autre chef “bondissant“, Diego Fasolis et bien sûr à leur modèle, sans doute, le chef sans clavicules, j’ai nommé Jean-Christophe Spinosi !
Côté voix, la mezzo-soprano a toutes les qualités que certains scrutent au scalpel et relèvent. Tonicité, punch, incroyable aisance, modulé, force dramaturgique, voix bouleversante, la maîtrise du souffle, d’une puissance presque masculine, tels sont les qualificatifs pêchés à droite et à gauche. A remarquer une projection telle que le théâtre semblait tout exigu ! Une présence scénique pas due uniquement à la somptueuse robe rouge mais aussi à quelques expressions du visage et mouvements suffisants pour illustrer savamment l’aria. Osera-t-on une comparaison avec une certaine Maria Callas en récital ? Ou, pour les plus jeunes, une certaine Cecilia Bartoli ?
« Je donne ma personnalité, mon âme, sans chercher à tout prix la reconnaissance. Mais quand je la reçois du public, cela veut dire que j’ai réussi et j’en suis très heureuse. » affirme-t-elle. Opération réussie, à n’en pas douter. C’est Hugues Gall qui, en 2002, va engager cette encore inconnue ou presque, pour chanter Rosina dans Le Barbier à l’Opéra de Paris. Grâce à ce fin limier, sa carrière va véritablement démarrer, et c’est tant mieux pour tous les passionnés du chant lyrique.
Le sommet du récital ? Pour moi ? De Geminiano Giacomelli, l’aria d’Irène, princesse de Trébizonde : « Sposa, son disprezzata ». Sans toutefois négliger, de Haendel, tirée d’Alessandro, l’aria de Roxane, princesse de Perse : « Brilla nell’alma » redonné en dernier “encore“.
Y-aura-t-il un retour de l’artiste sur la scène “capitolesque“ ? Les impératifs budgétaires peuvent faire craindre que non, vu son statut maintenant de star internationale des plus grandes scènes d’opéra, mais : « A cœur vaillant, rien d’impossible !! »
Michel Grialou