« L’amour est la crédulité la mieux partagée » Agnès Jaoui
Cela démarre comme un conte pour enfants. D’ailleurs ce sont eux que Marianne essaie en vain de mettre en scène. En vain car le Prince charmant ne veut pas embrasser la belle Princesse. Et vice versa. Ajoutez au problème que la méchante Sorcière préfèrerait jouer un arbre et vous aurez compris rapidement que la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour cette pauvre Marianne. Ce film qui pourrait débuter par un air très connu, celui du Il était une fois, trace en fait les portraits de gens de tous âges, en proie à leurs sentiments, leurs rêves mais aussi leurs croyances. Dans cette galerie, il y a la jeune fille qui attend le grand amour car elle y croit, comme elle croit au destin et aux signes par lesquels il se manifeste, pour finalement tomber comme Le Petit Chaperon rouge entre les mains du méchant loup. Il y a cette petite fille qui croit en Dieu avec la foi du charbonnier. Il y a aussi ce jeune compositeur persuadé d’être doué mais qui ne croit pas en lui. Un comble ! Il y a surtout cet homme bougon, totalement athée. Enfin, totalement, pas si sûr, car une voyante lui ayant prédit le jour de sa mort, il finit par être complètement obnubilé par celle-ci, d’autant que c’est pour le lendemain. Il y a également, etc, etc. Tout ce petit monde, dont on constate rapidement l’appartenance à des classes sociales bien éloignées les unes des autres, finit par s’entrecroiser dans les méandres de vies pour le moins dispersées. Des méandres, et c’est le problème majeur de ce film, dans lesquels on finit par se perdre et le scénario à laisser derrière lui toute structure. Les comédiens ne sont pas en cause dans ce flou exaspérant, même si Agnès Jaoui n’est pas une Marianne très convaincante, pas plus qu’Agathe Bonitzer et Benjamin Biolay, ce dernier assez consternant à vrai dire. Mais il y a celui qui occupe la quasi-totalité des teasers de ce film (un hasard ?), notre râleur national : Jean-Pierre Bacri. Co-scénariste avec la réalisatrice de ce film et ex-compagnon d’icelle, il le porte sur ses épaules. Chien battu ne supportant pas les enfants (la scène est irrésistible), moniteur d’auto-école à hurler de rire, celui qui dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et avec le débit vocal un rien haché qui en fait tout son charme comique et sa personnalité, Jean-Pierre Bacri rafle les meilleures scènes de cette réalisation brassant allègrement et dans la confusion la plus onirique les problèmes de couple, de croyance, la démission des parents, le snobisme évidemment, la lutte des classes bien sûr, etc. Malgré une bo superbe, signée Fernando Fiszbein, toute droite inspirée de la Cendrillon de Walt Disney et d’une comédie musicale de Stephen Sondheim (Into the woods), ce film qui trop ambitieusement ouvre grand ses bras, s’étale sur près de 2h qui n’en finissent pas.
Robert Pénavayre
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Agnès Jaoui, femme à tout faire
Scénariste, réalisatrice, actrice, chanteuse, cette native d’Antony, dans les Hauts de Seine, entre au Conservatoire à 17 ans. Nous sommes en 1981. Après avoir fréquenté le légendaire théâtre des Amandiers de l’époque Chéreau, elle se produit dans L’Anniversaire d’Harold Pinter en 1987. C’est là qu’elle rencontre celui qui va l’accompagner professionnellement et plus pendant de nombreuses années : Jean-Pierre Bacri. En tant que scénaristes à quatre mains, ils vont additionner un nombre incroyable de récompenses, définissant un style Jaoui/Bacri fait à la fois d’humour grinçant et de douleurs contenues. Avec Au bout du conte, elle signe son quatrième long métrage.