Je ne sais pas vous mais j’ai parfois le sentiment qu’il n’y a rien à l’affiche et que s’ouvre à moi un véritable désert de Gobi cinématographique. Bien sûr j’exagère (mais à peine, vous savez bien que ce n’est pas mon genre) car des films qui sortent, il y en a pléthore. Mais si je m’écoutais, je n’irais voir que ceux correspondant à ma zone de confort.
Ceci dit, je vous ai déjà parlé de ma CI (voir billet The Master), elle est toujours là, vigilante, et sait me donner (au besoin) l’impulsion nécessaire au décollage de ma carcasse en direction de la salle obscure. De plus, je ne vous ai pas encore parlé de Laurent Cantet, mais j’y arrive.
Pour avoir vu quelques – uns de ces précédents longs métrages (notamment Ressources Humaines et Entre les murs), voilà un réalisateur dont est appréciable la capacité à s’ancrer dans le réel (en s’appuyant souvent sur du matériel existant), à traiter de sujets sociaux, privilégiant le côté humain des personnages et mettant en scène des acteurs pas toujours professionnels. Un peu à la manière d’un Ken Loach mais qui serait un peu plus austère et surtout hexagonal (ceci expliquant chez moi une légère réticence à aller vers le cinéma de Cantet).
Pour son nouveau long métrage, le réalisateur a décidé de s’exporter de l’autre côté de l’Océan Atlantique, installant son intrigue dans une petite ville américaine à la fin des années 50 et retranscrivant la création du gang du titre (avec de gauche à droite Lana, VV, Rita, Maddy, Legs et Goldie).
Ces 6 filles fréquentent le même lycée et ont toutes en commun d’être des adolescentes (quasiment) livrées à elles – même, aspirant à l’autonomie et ayant assez de subir le machisme ambiant. Sur l’initiative de Legs, elles décident de créer leur propre bande, celle du Foxfire.
Même si les débuts sont balbutiants (de graffitis anti – consuméristes en expédition punitive contre un vieux vendeur aux moeurs plus que discutables), le groupe se soude de plus en plus autour de la détermination de Legs, qui cristallise comme personne les aspirations de chacune.
Après un renvoi de leur école et un » emprunt » de voiture qui se solde par un procès de tout le groupe, Legs est la seule à être flanquée dans un centre de redressement (expérience qui va la marquer indélébilement). A sa sortie,
les filles décident de passer à la vitesse supérieure en créant leur propre communauté. Elles habiteront ensemble, mettront leurs efforts et leurs dollars en commun pour ne plus être dépendante de rien ni de personne.
Si l’envie de vivre en harmonie est là, la pratique est plus compliquée à mettre en place. Rapidement l’argent fait défaut. Et une fois de plus la radicalité de Legs va pousser l’ensemble du groupe à agir. Pour pallier le manque, elles ne vont pas hésiter à mettre en place des combines et à se servir directement dans les poches de ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent : les hommes.
Comme vous l’aurez pressenti, le sujet est âpre, dur (d’autant plus quand on sait le scénario basé sur un livre inspiré de faits réels) et vous ne sortirez pas des 2h30 de projection en ayant envie de siffloter le dernier tube de David Guetta. Mené par le biais de la voix off et des souvenirs de l’une des héroïnes, il s’articule autour de son récit, à grand renfort de flash back.
Au – delà d’une histoire bien ficelée, le film entraîne une réflexion sur la place laissée aux femmes de cette Amérique puritaine, sexiste et archaïque des années 50 (période pas si éloignée de nous et qui paraît pourtant si néanderthalienne). On ne peut s’empêcher d’admirer le cran et le courage nécessaires à ces très jeunes filles pour oser défier l’autorité et s’affirmer.
Le film est surtout passionnant par son traitement des rapports humains et les interactions se mettant en place dans le groupe, ce que peut accomplir l’individu par conviction (ou simplement par admiration du leader), la capacité de chacun à conserver sa capacité de jugement et le pouvoir de l’effet de groupe.
Est également dévoilé l’aspect traitant des actes commis pour arriver coûte que coûte à ses fins, quitte à minimiser l’utilisation de la violence (et ne pas mesurer ses retombées).
Malgré un traitement un tantinet longuet (quelques coupes vives n’auraient pas été pour me déplaire), l’exercice s’avère vraiment intéressant, renforcé par la présence de ces jeunes actrices (pour lesquelles c’est le tout premier rôle) qui donnent corps à ce gang de filles (elles sont intenses, entières et jouent de façon incroyable). Comme quoi (réalisateur social + gang de filles²) * désir d’indépendance < société étriquée = sujet digne d’intérêt.
En vous remerciant.
L’info qui ne sert à rien : le livre dont est tiré le film avait déjà fait l’objet d’une adaptation (direct to vidéo, du moins je le subodore) en 1996 et avec une toute jeune Angelina Jolie.
Franchement, ça ne vous donne pas envie ??! Incroyable comme l’on perçoit de façon évidente l’esprit similaire qui anime les 2 films …
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