Rencontre Agathe Mélinand, codirectrice du TNT, à l’occasion de la reprise de son spectacle « Tennessee Williams short stories » réalisé à partir de sa nouvelle traduction de quatre nouvelles de l’auteur américain.
De quelle manière l’écriture de Tennessee Williams nous parle-t-elle aujourd’hui ?
Agathe Mélinand : «Ces nouvelles frappent au cœur, elles mettent le lecteur en état empathique. Elles nous parlent en tant que frères humains de Tennessee Williams. Elles sont empreintes de sensibilité, d’émotion et aussi d’horreur, mais on y sent toujours l’œil qui frise de Williams. Mon travail de retraduction m’a permis d’appréhender ses nouvelles de manière intérieure. Travailler sur Tennessee Williams me rend heureuse».
Comment s’est opéré le choix de ces quatre nouvelles parmi les autres ?
«Je savais qu’un jour je ferai un spectacle de ces nouvelles de Tennessee Williams, et la nouvelle « Portrait d’une jeune fille en verre » me semblait alors incontournable car elle marque le début de la carrière de Williams, celle qui le rendra célèbre. Il me fallait commencer le spectacle par cet hommage à sa sœur, Rose, qu’il adorait et dont il s’est toujours occupé. J’aime dans ces récits l’ambiance du Sud des Etats-Unis, comme dans « les Jeux d’été à trois » ou « Sucre d’orge ». Quant à « Malédiction » (photo), cette histoire d’amour entre Lucio et la chatte Nitchevo, elle m’a fait pleurer. J’avais très envie de la présenter car elle me permettait aussi de faire un clin d’œil à « la Chatte sur un toit brûlant ». Le spectacle est joyeux, coloré, même si le fond n’est pas d’une grande gaité. Mais c’est la vie, ce sont nos vies à tous».
Pour vos spectacles, vous utilisez le terme «réalisation» au lieu de «mise en scène». Pourquoi ?
«Je pense que je réalise un objet plus que je ne mets en scène un spectacle. Il s’agit toujours d’une réalisation globale – que ce soit « Short stories », « Monsieur le 6 » sur Sade ou encore le prochain spectacle sur Erik Satie ‑ sur laquelle j’ai la maitrise du rêve esthétique, de l’ambiance sonore. J’ai une vision cinématographique du théâtre. L’image est très importante pour moi, je la conçois comme un tableau. Le théâtre souhaité par Tennessee Williams est un théâtre avec une forte présence de musique et d’images projetées. Il l’avait même écrit dans les didascalies de « la Ménagerie de verre ». C’est probablement le genre de spectacle qu’il aurait aimé…».
Tous les interprètes de ce spectacle ont déjà travaillé avec Laurent Pelly qui codirige avec vous le TNT. Qu’est-ce qui vous attire dans la notion de troupe ?
«Je suis très attachée à la troupe d’acteurs pour la confiance mutuelle. Mes acteurs connaissent et acceptent ma méthode de travail. Je sais que si je les amène vers quelque chose d’inconnu pour eux, ils se laisseront prendre par la main. C’est très beau. J’ai une grande admiration pour eux».
En quoi consiste cette méthode de travail ?
«Je travaille beaucoup sur le corps car je pense que c’est à partir du mouvement que l’on trouve le sentiment. C’est peut-être pour cela que je demande souvent à mes comédiens de jouer pieds nus ! C’est une façon de sentir son corps ancré dans le sol».
Votre prochain spectacle sur Erik Satie est annoncé comme un «petit opéra comique sans lyrics». Savez-vous déjà quelle forme cela prendra sur scène ?
«C’est une pièce-disque, à la façon de ces livres-disques que l’on écoutait enfant. Sur scène, il y aura deux pianistes et quatre acteurs. « Mémoires d’un amnésique » serait un tableau blanc sur lequel apparaîtrait, après plusieurs coups de pinceaux, le visage de Satie. Cette réalisation ressemblera à un portrait fragmenté du compositeur. Un portrait drôle, soft, poétique, sublime… Et un peu punk quand même ! Car n’oublions pas qu’il est un précurseur de la musique moderne».
Propos recueillis par Sarah Authesserre,
le 16 janvier 2013, à Toulouse,
pour le mensuel Intramuros.
« Tennessee Williams, short stories », du 22 janvier au 9 février ;
« Erik Satie, mémoires d’un amnésique », du 14 au 31 mai.
Au TNT, 1, rue Pierre-Baudis, Toulouse. Tél.: 05 34 45 05 05.