Je ne sais pas comment ça marche pour vous quand vous décidez d’aller voir un film en salle. Faites – vous parti de ceux réalisant une vraie étude de marché, visionnant toutes les bandes – annonces possibles et inimaginables, épluchant les critiques et avis spectateurs ? Ou bien procédez – vous plutôt sur un coup de tête parce qu’une affiche vous a plu ou simplement parce que vous aimez le travail d’un réalisateur(trice) ?
Pour ma part, moins j’en connais sur le sujet mieux je me porte. C’est d’ailleurs bien compliqué à l’époque où l’on vit, bombardés que nous sommes d’infos en tous genres sur les coulisses de tournage, l’interview du chef opérateur et l’abondance de making of et autres trailers*. Je ne dirais pas non plus que je pars totalement à l’aveugle (un réalisateur, un choix d’acteur ou l’ébauche d’une histoire aiguille sur une atmosphère possible), mais j’aime me laisser autant de surprises à découvrir que possible.
Du coup, pour la projection des Bêtes du Sud Sauvage, je partais avec la naïve idée de passer un moment poétique dans un bayou certes dur mais probablement généreux, à côté d’une enfant et de sa vision (forcément) si juste de la vie . Ma propre aptitude à me réapproprier une histoire me fascine …
Huhspuppy, adorable gamine de 6 ans, vit avec son père dans un endroit – dit le Bassin – au milieu des marais, totalement coupé du reste du monde civilisé par l’océan d’une part, et une gigantesque digue de l’autre. Leurs vies en marge sont un choix (quasi) délibéré, ainsi que pour le reste des habitants de ce microcosme. Ils ont créé leur société avec sa culture, son enseignement, ses rituels et ses fêtes.
La vie serait presque joyeuse dans cet endroit pourtant misérable, où la survie est un combat quotidien. Mais les rapports père – fille sont souvent tendus (le père ayant un fort penchant pour la bibine, il disparaît souvent plusieurs jours sans explication. La mère quand à elle, a mit les bouts depuis belle lurette). Après une énième dispute, Hushpuppy frappe son père à la poitrine, bouleversant ainsi l’ordre naturel des choses, et déclenchant (du moins le croit elle) une gigantesque tempête qui va submerger le Bassin. Et libérer de leur prison polaire, les affreuses bêtes de légende, les aurochs sanguinaires dévoreurs d’enfant …
Benh Zeitlin (le jeune, intellectuel et très new – yorkais réalisateur), a voulu mettre beaucoup de choses dans son 1er film (on peut le comprendre, cela doit être tellement grisant une première réalisation !), quitte à le rendre bien peu lisible.
Déjà dans la forme. Le premier 1/4 d’heure s’est apparenté à un supplice visuel : image qui tremble au grain très grossier, réalisation à l’épaule, mise au point sur le personnage en avant – plan qui bascule brusquement sur l’arrière – plan (et vice – versa). Moi qui n’ai jamais eu le mal de mer, j’ai pu m’en faire une vague (ha ha) idée.
Passé ce nauséeux préambule, il y a également le fond. Je comprends tout à fait l’écho qu’a pu avoir ce film lors de sa sortie aux Etats – Unis. Le parallèle fait avec les évènements s’étant déroulés à la Nouvelle Orléans et les ravages perpétrés par l’ouragan Katrina sont limpides. Comme les habitants de cette ville, les personnages sont les laissés – pour – compte d’un système économique impartial et subissent de plein fouet les dégâts causés à la planète et les dérèglements écologiques qui en résultent.
Le problème est que le tout est englouti sous un fatras de scènes sans lien les unes avec les autres, d’absence de dialogues (vous savez, ces silences qui disent tout … Ben non, je sais pas, par moment un silence ça dit juste rien), de voix off délivrant des sentences philosophiques de comptoir, de regards lointains vers l’horizon … Le message écologique de départ et tous les autres propos du film se retrouvent ainsi noyés sous des artifices inutiles et artys.
Je n’évoquerais qu’à peine les fameuses bêtes du titre tant leur portée métaphorique est faible. Quand à leur apparence physique (mélange improbable d’oeil bovin, de corps de sanglier et de corne de tricératops, vraiment, concepteur 3D c’est un métier …), que les amateurs d’effets spéciaux se crèvent les yeux, cela vaudra mieux pour eux.
Il reste malgré tout le jeu des acteurs, sincère et assez intense (et même plutôt impressionnant pour une actrice aussi jeune que cette petite fille).
Mais je crains que même cela et vos meilleures bottes en caoutchouc se révèlent insuffisants à affronter toute la boue de ce bayou.
En vous remerciant.
En salle depuis le 12 décembre
* : ou coulisses de tournage et autres mini bandes – annonces. Auprès de ceux qui me reprocheraient de céder à de snobs anglicismes (ou américanismes, je sais pas bien), sorry dude, mais pour ma part ce sont à présent de vraies assimilations de langage.
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