Même si c’est parfois bon de se la jouer feignasse en allant voir de la rom com* (je vous avais pas dit que j’étais parfaitement bilingue dès qu’il s’agissait de se la raconter un peu ?), il y a un moment où il est bon de revenir aux fondamentaux. C’est du moins ce que me m’ordonne ma Conscience Impliquée, ma CI quoi (allez hop, moi aussi je brevette de l’abréviation tiens). Celle qui m’encourage à être curieuse, celle qui ne supporte pas que je me vautre dans la facilité, qui assassinerait bien mon côté Je – laisse – mon – cerveau – au – vestiaire – ça – vaaaaaaa – je – le – récupérerais – en – sortant, celle qui estime que chaque film doit apporter quelque chose (ne serait – ce qu’une interrogation, un plan, une émotion), celle qui a décrété la mort de Max Pecas (bon lui c’est déjà fait), Roland Emmerich et Michael Bay.
En général, ça se passe pas trop mal entre ma CI et moi, on est plutôt raccord. Mais ces temps – ci, je ne sais pas si c’est la météo (ce ciel est bien bas Ania) ou la grève ininterrompu à France Inter, j’avoue accuser une flemme intersidérale et j’aurais tendance à me laisser facilement entraîner du côté obscur de la force … C’est pourquoi j’ai décidé de me botter les fesses et de suivre les conseils de ma CI.
Et figurez – vous que ma CI a entendu dire que le dernier film de Paul Thomas Anderson sortait justement aujourd’hui. J’ai bien tenté de la raisonner (ouais, j’ai pas toujours eu que des bons rapports avec le cinéma de Paulo, le souvenir de Magnolia me cause encore quelques plaques d’urticaire) mais cette gourgandine n’a rien voulu savoir, m’a dit que je n’avais pas trop intérêt à la ramener et m’a asséné le fait que ça c’était pas trop mal passé pour There will be blood (pas faux). Du coup j’ai obtempéré.
Me voilà donc à suivre le parcours de Freddie Quell (celui au dessus là, qui fait l’oiseau), garçon souffrant de graves déséquilibres, qui fait son service militaire dans l’US Navy, quelque part sur une plage de cocotiers avec des compagnons qui se chamaillent comme savent le faire les garçons. A sa sortie de l’armée, il fait un court séjour en hôpital (les séquelles de la guerre) et essaye de s’intégrer dans la vie civile. Mais Freddie a beaucoup de difficultés à communiquer, passe son temps à picoler des cocktails de son invention
et à se faire renvoyer des différents boulots qu’il occupe. Sa vie n’est qu’une série de violence et d’égarements … Alors qu’un soir il erre une fois de plus ivre mort, il va rencontrer Lancaster Dodd (dit Le Maître) et sa famille.
Pour ce garçon sans repère, cet homme à l’aisance et au charisme naturel, à la grande culture, fervent pratiquant de procédés psychanalytiques assez particuliers va représenter une figure (paternelle) qu’il ne va plus vouloir quitter. Mais le Maître va surtout s’avérer un escroc de première, un mythomane patenté et va abuser de la fragilité de Freddie en se servant de lui comme sujet d’étude.
Présenté de cette façon, cela donnerait presque envie d’aller voir la chose. Pourtant c’est plutôt l’inverse que j’aurais envie de vous intimer …
Sur la réalisation, la photo et autres aspects techniques de l’affaire, je n’aurais rien à dire, Paul Thomas Anderson n’est ni un manchot ni un perdreau de l’année, il mène sa barque avec brio. Pareil pour le jeu des acteurs principaux, du beau travail (ou presque).
Philip Seymour Hoffman est un sacré acteur, on commence à le savoir.
Quand à Joaquin Phoenix (dont c’était le grand retour après sa parenthèse de plusieurs années » je pars faire une carrière de rappeur … Mais non ! Je déconnais les gars !! « ), je serais plus mitigée. La méthode Actors Studio c’est génial mais quand c’est bien dosé. Est – il besoin pour incarner la folie du personnage de remonter son pantalon jusqu’à sa poitrine tel un papet d’opérette, de s’affubler en permanence d’un espère de rictus » j’suis un putain de déglingo, j’ai la rage « ,
de marcher le dos voûté par un sac de sable imaginaire et de s’amaigrir tellement qu’on vous croirait sorti d’une grève de la faim (j’exagère bien sûr. Mais à peine) ? La subtilité a toujours du bon …
Et puis il y a des scènes assez surréalistes (et souvent incompréhensibles) de thérapies, des situations improbables où les personnages déterrent un coffre ou vont dans le désert (pour faire de la moto, s’asseoir sur un pare – choc et réfléchir).
Et puis des dialogues (diable que ce film est bavard !!) beaucoup trop de dialogues, de monologues, hermétiques, impénétrables, parfois chantants (?), ennuyeux, sonnant même creux par moment, visant surement à illustrer les affres où se débat Eddie et les doutes qui habitent Le Maître mais sans atteindre jamais ce but (bien au contraire).
Alors ce que je vous propose, c’est qu’on laisse se refermer gentiment les portes de l’ascenseur et qu’on laisse ces gens entre eux.
Et pour ce coup – ci, on dira que comme Paul Thomas Anderson, ma CI a failli. Ne soyons pas trop durs, ça arrive même aux meilleurs.
En vous remerciant.
En salle depuis le 9 janvier
* : La rom com chez nos voisins d’Outre – Atlantique, est l’abréviation de « romantic comedy « . Terme dont certains journalistes de cinéma raffolent dès qu’il s’agit de parler de la dernière merdouille comptant C.Cornillac ou V.Efira. De suite ça fait tendance vous comprenez.