18 décembre 2012 : Mission accomplie et fin de tournée ici même, une tournée digne d’une rockstar dans les plus grandes salles européennes vouées à la musique et plus particulièrement à l’art lyrique.
Sans se répéter avec mes articles précédents, le but était bien de faire découvrir à tous ses fans, et aux autres, le talent de compositeur d’un certain Agostino Steffani, de Padoue ou presque, pour ne pas confondre ! Le CD sorti pour l’occasion s’appelle bien Mission, et si tout amateur du chant de LA Bartoli se doit de le posséder, rien ne vaut, une fois de plus, le choc de la rencontre avec l’artiste sur une scène. Pas de crâne rasé, non, c’était pour la pochette et l’histoire du compositeur. Pas de bijoux, ni de fanfreluches, une robe, point. On est donc très loin de Malibran ou Sacrificium par exemple. LA Bartoli est à nu, seule avec sa gestuelle et son regard. Et c’est suffisant pour mettre son public debout dès la fin de son programme, en attendant quatre bis ou encores, “haendeliens“, qui ne seront pas des demi-portions. De toutes les façons, ce public était acquis d’avance, et un petit coup de tambourin aura suffi pour, d’entrée signifier : « Je suis là, et bien là ! »
Un programme remarquablement construit, s’appuyant sur un orchestre, le Kammerorchesterbasel que des échos parisiens avaient pu nous faire craindre le pire quant à sa prestation. Mais comme pour le 21 décembre, il y eut un miracle, le premier violon avait retrouvé toute son énergie communicative, la trompette, tout son art bien délicat et redoutable à la fois, surtout dans ce fameux duo avec la diva, le hautbois fut superlatif et les interventions aux percussions d’une grande finesse et d’un à-propos total. Bizarrement, mais on dira plutôt, une preuve supplémentaire du chemin accompli, c’est, non pas une aria à vocalises effrénées qui a le plus ébloui le public, mais un pur joyau de lamento amoroso, « Amami e vederai » extrait de l’opéra Niobe, Regina de Tebe, un sommet interprété avec une justesse et une profondeur ne pouvant que déclencher émotion pure. L’accompagnait, le théorbe “impeccable“ de Michele Pasotti.
On le sait, l’artiste s’occupe de tout, la moindre lumière, le moindre placement d’un instrument. Cecilia Bartoli dirige tout. N’en déplaise à certains, un véritable entrepreneur, et pas seulement un gosier à vocalises. Bartoli n’est pas Mado Robin mais se rapprocherait bien davantage d’une personnalité à la Emma Calvé. Il en est ainsi depuis son premier récital avec Gluck en 2001 qui fut doublé, puis 2002 avec Salieri, suivi d’Opéra proibita en 2005, Maria Malibran en 2008, l’art des castrats dans Sacrificium puis la même année donc 2010 un récital Haendel. Difficile de reprocher à l’artiste ses choix artistiques. Ils sont à un tel point reconnus par les passionnés du chant et ont drainé tellement de nouveaux spectateurs.
Mais le petit plus qui se révèle un grand plus, ce fut tout simplement de supprimer les entrées et sorties qui “cassent“ un brin l’ambiance. Le coup du sofa, coup du sort ! presque assorti à la robe ! est une fort belle trouvaille et rend le récital encore plus dense car Cecilia participe à l’intermède orchestral. Son visage est l’expression même de la musique : un mouvement de tête, un front qui se plisse, des sourcils qui se redressent, une bouche qui s’entrouvre ou fait la moue, etc. Elle capterait même un peu trop l’attention !! Et d’aucuns auront remarqué que toute la scène lui appartient et elle l’occupe, ne s’économisant en aucune façon, saluant d’un côté, de l’autre. La salle est un hexagone, elle le sait. Respectueuse, elle associe sans discontinuer, tous les membres de l’orchestre, tous les pans de son public à son triomphe.
Un spectateur qui découvre Cecilia Bartoli ne peut que s’étonner et s’extasier devant ses prouesses et une telle performance. Ceux qui, tel votre humble commentateur, la suivent ne peuvent être qu’éblouis une fois de plus, sans s’inquiéter pour autant d’une sorte de petit ralentissement dans le débit d’insolentes vocalises pour certaines arias particulièrement redoutables. Un peu de fatigue ? Quoi de plus normal après une tournée pareille et ses dizaines et dizaines d’entretiens toujours donnés avec le sourire, comme si c’était le premier. Mais dans l’élégie, le souffle paraît toujours sans fin.
Oui, l’artiste nous fascine, et par son talent, et par sa générosité, et par toutes les portes que son art a permis d’ouvrir, et par sa curiosité farouche, et par son professionnalisme que certains seraient presque capables de juger – quel verbe – comme un défaut ! mais aussi, de façon plus intime, l’artiste nous fascine par sa gentillesse et son affabilité.
Tous les artistes ne peuvent en dire autant.
Michel Grialou
Certains spectateurs l’auront en même temps compris. Un récital de ce “type“ là n’a rien à voir avec un récital de Lorie ou Nana Mouskouri. La moindre quinte de toux ou toux d’ennui ou toux idiote, ou raclement de gorge non étouffés par un moyen quelconque constituent un désastre et pour tous ceux qui sont proches, et même éloignés, et même pour ceux qui se produisent sur la scène. En un mot, si vous devez ou risquez de tousser, de grâce restez chez vous car vous ne mesurez pas le niveau de stress et de frustration que vous pouvez induire.
On parlera des portables la prochaine fois.