Comme disait André Bazin, « Le cinéma substitue à nos regards un monde qui s’accorde à nos désirs ».
Il suffit de regarder les sorties actuelles pour faire un simple constat : les gens, de nos jours, veulent s’évader, s’échapper de la réalité. Et les nouvelles bandes-annonces sorties ces dernières semaines confirment ces dires : sur 21 films, 10 sont classés parmi les catégories « Fantastique » ou « Science-Fiction ». Pourquoi un tel désintérêt des films « réalistes » – ou un tel intérêt pour des films qui ne le sont pas ? De nombreuses et diverses explications sont possibles; mais une chose est sûre: les effets spéciaux des films à grand spectacle ne peuvent être retrouvés dans le cinéma d’auteur actuel. Le cinéma d’aujourd’hui évolue, ou plutôt a évolué en accord avec la société qui l’engendre et les médiasphères qui le supportent. De nos jours, le téléchargement permet de regarder des films sans bouger de devant ses écrans, et la progressions des techniques fait que la distinction entre image de synthèse et image « réelle » devient pratiquement indiscernable. Evolution en bien, en mal ? A chacun son opinion.
A l’heure où le cinéma actuel navigue entre super héros, films apocalyptiques, et autres comédies à l’humour douteux, les nombreux cinéphiles qui peinent à s’y intéresser ou pire, s’y retrouver, ne peuvent s’empêcher de plonger dans le passé pour y trouver du réconfort; se contentant de quelques coups d’éclats inespérés de ce « nouveau cinéma ».
Un thème semble bien absent de nos écrans d’aujourd’hui: la mort – ou plutôt la mort dans sa dimension métaphysique car les cadavres sont, quant à eux, loin d’être absents des films d’actions qui dominent le box-office actuel. La violence, omniprésente , vulgarisée, et devenue esthétique, règne sur les scénarios et ne peut plus être représentée que par des giclées de sang, coups de feu et autres lacérations. Si Into the Abyss, le nouveau film-documentaire de Werner Herzog, sonde les affres d’une société carcérale peuplée de fantômes, de douleurs sourdes, de peines inconsolables, gangrenée par une violence aveugle aussi immature que perdue, les apparitions de ces réflexions sur la noirceur de la mort et de la véritable violence de la violence se font de plus en plus espacée. Un film comme Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman ne semble plus pouvoir être réalisé de nos jours, tant la mort est devenue banalité et la violence nécéssité sur grands et petits écrans de nos jours.
Les foules qui se pressent dans les salles obscures, en ressortent abreuvées d’hémoglobine, et la tête dans des mondes parallèles ou imaginaires. Vouloir fuir un quotidien répétitif et lassant amène à s’évader à travers des films qui ne représentent en rien la réalité, ne posant plus aucune question, ne proposant plus aucune réflexion, faisant seulement l’apologie du grand spectacle et d’histoires bien illusoires. Si certains films renversent la tendance, la plupart des films qui sortent, et essentiellement ceux destinés à la jeunesse, sont symptomatiques de la génération de l’instantanéité, avec pour seule réelle volonté de satisfaire l’ego du spectateur pour que ce dernier revienne le plus vite possible. Une dépendance se crée alors alors à cette substitution au réel, cette illusion de satisfaction ou d’évasion qui n’est plus que du voyeurisme. On donne ce qu’il veut au spectateur, et lui cache ce dont il ne veut pas entendre parler. Toutefois, peut-être que cela convient à la plupart; encore une fois, chacun peut penser ce qu’il veut de ce genre de système.
La mort, dans les films actuels, est bien rare dans ses aspects les plus inquiétants. Le spectateur, noyé par une violence tellement présente dans notre société (télévision, presse, etc…) qu’il n’en est plus choqué, et une telle effusion d’images de synthèse qu’il ne distingue plus la réalité, se perd dans l’illusion et ne dispose plus de repères. Paradoxalement, la mort est représentée dans ces films à grands spectacles sans être réellement abordée, tandis que la violence est rendue attirante, voire érotique.
Qu’espérer alors du cinéma du futur? Si le box-office nous montre que les masses vont voir Iron Man ou Twilight 5 en majorité, que les grandes questions qu’abordait le cinéma des années 50 et 60 ne sont même plus abordées, que la violence et les explosions rongent les scripts à un tel point que les remakes, prequels et adaptations prolifèrent faute d’inspiration et de volonté d’innovation, qu’espérer d’un futur qui est déjà guidé par le profit et qui abrutit la jeunesse en la berçant d’espoirs illusoires, d’histoires d’amour simplettes entre vampires et de soirées monumentales où le but fixé est le coma éthylique (Projet X) ? Peut-être pas grand chose.