15 septembre,le premier concert de la saison 2012/2013, à la Halle aux Grains, de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse est donné en partenariat avec le Festival Piano aux Jacobins. C’est l’occasion d’écouter une légende vivante du piano. Poète du clavier, dont les musiciens du monde entier recherchent l’enseignement, le virtuose discret, et toujours jeune Menahem Pressler jouera un de ses compositeurs de prédilection, Mozart.
Tugan Sokhiev dirigera également de Chostakovitch, la lyrico-épique Symphonie n°5 en quatre mouvements,
Moderato. Allegro non troppo. Moderato
– Allegretto
– Largo
– Allegro non troppo. Allegro (Durée, environ 45 minutes)
Wolfgang Amadeus MOZART
Concerto pour piano n° 17 en sol majeur, KV 453
Dimitri CHOSTAKOVITCH
Symphonie n° 5 en ré mineur, op. 47
Quelques mots autour de la symphonie de Dimitri dit Mitia Chostakovitch.
La Cinquième demeure la plus célèbre des quinze symphonies du maître russe. Sa signification a longtemps était manipulée, par les biographes eux-mêmes, mais les biographes aussi par le maître lui-même, l’homme ayant jusqu’au bout tout fait pour “sauver sa peau“ tout en continuant à composer malgré un environnement souvent défavorable, et en s’évertuant en même temps, en bon serviteur efficace de l’état soviétique, de ne pas trop contrarier celui qui lui passait commande d’œuvres lui servant de gagne-pain. Contrairement à la Quatrième, la Cinquième créée un an plus tard après la composition de la précédente, elle-même créée, mais pas avant …1961 ! sa première donc aura lieu le 21 novembre 1937 à Léningrad, le Philharmonique sous la direction d’Evgueni Mravinski, pour qui cette soirée va marquer le début d’une ascension fulgurante vers l’Olympe des chefs d’orchestre. Le concert fut un triomphe pour le compositeur, absent de la salle, devant un public au comble de l’émotion.
1937, une année qui voit le compositeur âgé de 31 ans, subir les pires pressions politiques et artistiques. Son opéra Lady Macbeth de Mzensk vient d’être condamné, et la Symphonie n°4 n’a pu voir le jour. Procés truqués, dénonciations, disparitions, suicides “involontaires“, amis liquidés par la police secrète, la liste est longue des horreurs de la dictature stalinienne. C’est dans ce contexte de cauchemar que Chostakovitch compose sa Cinquième. Les moyens employés sont ceux du grand orchestre romantique, la partition pouvant être expliquée en termes grandiloquents de déchirements et d’émotions, alors qu’en balayant toute référence autobiographique ou d’actualité, elle peut être simplement analysée en termes de rythmes, de timbres et de leitmotivs. Une abondante percussion fait penser à un orchestre mahlérien : timbales, triangle, tambourin, caisse claire, grosse caisse, tam-tam, cloches, xylophone, célesta, piano et deux harpes. Leur intervention est confondante.
Chacun aura son interprétation de chaque mouvement et plus particulièrement du finale en fonction de sa subjectivité, car seule la musique compte. Image du jugement dernier, ou chant de victoire ? « J’ai vu l’homme avec toutes ses expériences au centre de la composition…Dans le finale, les élans tragiquement tendus des mouvements précédents se résolvent dans l’optimisme et la joie de vivre » – Chosta. Mais dans Témoignage, sur la fin de sa vie, ne livrera-t-il pas les propos suivants : « Je crois que tout le mondevoit clairement ce qui se passe dans la Cinquième…c’est comme si quelqu’un vous frappait avec un bâton en disant “ Votre travail, c’est de vous réjouir, votre travail, c’est de vous réjouir“ et vous vous levez en titubant, et vous partez en maugréant “ notre travail c’est de nous réjouir, notre travail c’est de nous réjouir“ ». Mais, à sa création, à Léningrad comme à Moscou, toute la symphonie ne pouvait que prendre à la gorge le public présent. Chacun ne pouvait ignorer les sentiments du compositeur sur la nouvelle tragédie que vivait alors le peuple russe. Et on reste stupéfait du génie de l’écriture de Chostakovitch pour faire passer cette sorte de fausse joie afin de satisfaire la conscience morale des tyrans et leurs serviteurs serviles et zélés.
Michel Grialou
Réservation
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Piano aux Jacobins