À Toulouse, Alain Daffos met en scène au Théâtre Sorano « Blackbird », pièce au sujet sensible de David Harrower.
Metteur en scène de la compagnie toulousaine La Part Manquante depuis quinze ans, Alain Daffos a déjà approché des textes où s’exhibent des sexualités peu conformistes. Adapté des « Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femmes » et spectacle fondateur de la compagnie, « Madame l’abbé de Choisy » racontait ainsi les véritables aventures d’un académicien, ambassadeur au Siam, mémorialiste et travesti au temps de Louis XIV. Plus tard, « Une langouste pour deux » mettait en lumière des nouvelles extravagantes de Copi. Alain Daffos s’attache tout autant à porter à la scène les grandes catastrophes de notre histoire contemporaine à travers des choix de textes tels « Tchernobyl ou La Réalité Noire » d’après « La Supplication » de Svetlana Alexievitch, « Inconnu à cette adresse » de Kathrine Kressmann Taylor qui relate l’avènement du nazisme en Allemagne, ou « 7 secondes (In god we trust) » de Falk Richter qui dresse un portrait sans concession de l’Amérique de Bush. Avec « Introspection » de Peter Handke, puis « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman, il s’intéresse à des récits intimistes et confessionnels contaminés par l’angoisse et la culpabilité. Le choix de monter aujourd’hui « Blackbird » – pièce au sujet très sensible – s’inscrit en toute cohérence dans l’histoire de la compagnie La Part Manquante. Interprète de tous ces spectacles, le comédien Jean Stéphane est de nouveau au centre de la distribution de cette création à l’affiche du Théâtre Sorano, à Toulouse.
Le metteur en scène Alain Daffos évoque en ces termes l’œuvre de l’Écossais David Harrower : « »Blackbird » raconte les retrouvailles de deux êtres liés par une relation trouble et complexe qui va au delà du simple fait divers ou de toute morale. Hors de tout manichéisme, l’auteur n’apporte aucune réponse à la question : Une relation charnelle entre un homme de quarante ans et une enfant de douze ans peut-elle s’expliquer, voire se justifier ? Ce qui l’intéresse n’est pas de légitimer ou de condamner un tel acte, mais plutôt de révéler la façon dont nous étayons ou nous expliquons, face à l’autre ou à nous-mêmes, les actes que nous avons posés. Ici les deux protagonistes courent le risque du dialogue, de l’explication pour mieux justifier leurs actes ou les dénoncer. Ici l’écriture brute, brève, minimaliste met en lumière failles et contradictions, comme si ces deux figures hésitaient à se retrouver pour dire leurs vérités. En s’attaquant à un sujet de société que tout un chacun est prêt à refuser ou condamner, Harrower pose un acte courageux au cœur de l’accomplissement de la parole théâtrale. Au-delà du tabou, il place la force de l’amour comme force irrationnelle. Une force au-dessus des lois et des préjugés qui permet de tout comprendre, voire de tout pardonner au risque de troubler la conscience de tout spectateur».
Jérôme Gac
Du 19 au 20 janvier, 20h00, au Théâtre Sorano, 35, allées Jules-Guesde, Toulouse.