L’ultime chef-d’œuvre du mythique trio, William Shakespeare – Giuseppe Verdi – Arrigo Boïto, est de retour.
Réussite totale que cette adaptation des Joyeuses Commères de Windsor de William Shakespeare par le talentueux librettiste Arrigo Boïto, qui emprunte de plus, le personnage de Falstaff au Henry IV, offrant à Giuseppe Verdi une trame fabuleuse sur laquelle notre compositeur de génie va coudre une musique d’opéra superlative, faisant de l’orchestre le personnage principal d’un ouvrage devenu l’un des plus populaires du natif de Bussetto.
Créé à la Scala de Milan en 1893, Falstaff constitue l’adieu à l’opéra d’un Verdi octogénaire. Sa glorieuse carrière avait commencé plus de cinquante ans auparavant avec Oberto, créé à la même Scala en 1839. En revanche, l’année suivante, son opéra-bouffe Un Giorno di Regno avait été un échec. Par la suite, Verdi rêvait de revenir à la comédie et n’avait écrit que des drames. C’est Boïto qui le poussa à achever son œuvre sur le grand éclat de rire de Falstaff, Verdi écrivant alors un de ses plus hauts et étonnants chefs-d’œuvre, d’une liberté d’écriture et d’une fantaisie poétique miraculeuses, Falstaff, le triomphe des femmes sur cette drôle d’espèce qu’est…l’homme ! Falstaff, l’histoire d’un vieil homme qui court toujours, sorte de Don Juan qui en plus se figure que ses possibles conquêtes pourraient, en plus, lui procurer quelqu’argent, enfin, Falstaff, un héros ventru truculent mais surtout jamais vulgaire.
Le Capitole va donc retrouver la très belle production de Nicolas Joël, Carlo Tommasi pour les décors et costumes et Vinicio Cheli pour les lumières, production qui a déjà fait ses preuves en 1991 et 1995 et en suivant en 2002. Entre-temps, elle a voyagé quelque peu de Lausanne à Spoleto, en passant par Charleston et Marseille. Elle sera dirigée, cette fois, par Daniele Callegari que le Capitole a pu accueillir pour Les Rustres et en suivant Carmen.
Le rôle de Falstaff sera interprété par Alessandro Corbelli qui revient après son fameux Bartolo sur la scène du Capitole la saison dernière. Le rôle de Sir John Falstaff, « une canaille, un voleur », comme il le définit, appartient depuis longtemps au répertoire du baryton italien, même s’il l’interprète peu. Son Alice Ford sera la grande soprano finlandaise Soile Isokoski, une habituée des plus grandes scènes lyriques du monde.
Pilier en son temps de la scène “capitolesque“, et s’y illustrant par de nombreuses prises de rôle, le baryton Ludovic Tézier est de retour pour interpréter Ford qu’il a déjà mis à son répertoire sur les planches du Liceo de Barcelone. Il y a du monde dans Falstaff avec Nannetta, la fille de Ford qui verra les débuts à Toulouse de la soprano Adriana Kucerova ainsi que ceux de son amant, le jeune ténor espagnol Joël Prieto.
On retrouve dans le rôle de la désopilante Mrs Quickly, la mezzo-soprano Janina Baechle, magnifique Brangaene dans le Tristan et Isolde sur cette même scène en 2007. Encore une autre “joyeuse commère“ et riche bourgeoise, Mrs Meg Page, rôle tenue par une autre mezzo, Enkelejda Shkosa, jeune lauréate albanaise du Concours Leila Gencer à Istambul, et propulsée tout de suite sur les plus grandes scènes.
Enfin pour participer efficacement à cette grande farce, encore deux acolytes avec le ténor italien Emanuele Giannino dans Bardolfo et la basse brésilienne Diogenes Randes qui sera Pistola, sans oublier le ténor italien Gregory Bonfatti dans Docteur Caïus.
C’est le vieux Falstaff, de plus alcoolique, abîmé physiquement, qui entraînera toute l’assemblée dans la fugue finale de cette farce un brin cruelle mais pleine de tendresse : « Tutto nel mondo è burla. L’uom è nato burlone » (Tout le monde n’est que farce ; L’homme est né bouffon.)
Michel Grialou
crédit photo : Patrice Nin