11 – 11 – 2011 : une soirée “tout Mahler“ avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse sous la direction de Juan José Mena
Juan José Mena a pris ses fonctions de chef principal du BBC Philharmonic Orchestra en septembre 2011. Il a été directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Bilbao (1999-2008) et chef principal invité du Théâtre Carlo Felice à Gênes (2007-2010).
Christianne Stotjin est une mezzo-soprano hollandaise qui a été dirigée par les plus grands chefs, et surtout Bernard Haitink qui fut l’une des personnalités artistiques ayant le plus influencé sa carrière. Elle a notamment chanté sous sa direction Das Lied von der Erde avec le London Symphony Orchestra. Récemment, elle était Tamerlano (rôle-titre) au Covent Garden de Londres et Ottavia (Le Couronnement de Poppée) à Oviedo et Bilbao.
Robert Dean Smith, ténor, fait des débuts très remarqués au Festival de Bayreuth en 1997 (Walther von Stolzing dans Les Maîtres chanteurs de Nüremberg), et depuis, chante dans les plus prestigieuses salles d’opéra et de concert. Interprète unanimement reconnu des rôles dramatiques et de Heldentenor (Tristan et Isolde, Parsifal, Lohengrin, La Walkyrie, Fidelio, Ariane à Naxos et La Femme sans ombre), il a chanté Das Lied von der Erde à Munich avec Lorin Maazel, et à Amsterdam avec Edo de Waart.
A propos de Das Lied von derErde – Le Chant de la Terre
(On s’abstiendra impérativement d’applaudir entre les lieder. On attendra la fin avec même un léger temps de pause !!)
Alors que le poème symphonique a déjà entamé son déclin, les dernières œuvres de Gustav Mahler (1860-1911) marquent l’accomplissement du genre symphonique, qui paraît en même temps arrivé au terme de son évolution. Les trois dernières œuvres dont le compositeur achève la partition sont la Huitième symphonie ( 1906), dont la création à Munich en 191à sous sa direction remporte un triomphal succès, Le Chant de la Terre (1908-1909) et la Neuvième symphonie (1908-1909), dont Bruno Walter dirige les créations en 1911 et 1912.
« L’intérêt de Mahler pour le lied s’est maintenu jusqu’à l’approche de ses dernières œuvres. En vérité, le genre connut son couronnement dans les six lieder orchestraux, amples et démesurés du Chant de la Terre dans lequel le compositeur a réalisé la synthèse entre le lied et la symphonie. » Werner Oehlmann.
Das Lied von der Erde, Le Chant de la Terre, symphonie pour ténor, alto ou baryton, et orchestre qui, empruntant à un recueil de Hans Bethge (La flûte chinoise), le texte de poésies traduites ou adaptées du chinois, exploite deux genres musicaux qu’aucun compositeur n’aurait osé associer un siècle plus tôt : le lied et la symphonie. En 1908, l’art du compositeur a atteint la maturité nécessaire pour réunir sous une forme unique la symphonie et le cycle de lieder pour orchestre. Alors que le lied prête à l’œuvre la logique de son organisation en strophes, la symphonie impose quant à elle, les principes d’une division en mouvements. Cette suite de six lieder peut donc bien être considérée comme une symphonie. A fortiori, si l’on groupe les courts troisième, quatrième et cinquième mouvements pour former un scherzo. Seule la crainte teintée de superstition que celle-ci, sa neuvième, ne fût sa dernière comme pour Beethoven, ou Schubert, ou Bruckner, empêchera Mahler de donner un numéro d’ordre à cette composition.
Le premier titre prévu était Le Chant de lamentation de la Terre. Le choix des poèmes tirés du recueil, qui évoquaient le caractère éphémère de la vie, pouvait avoir été suggéré par la crise personnelle que traverse Mahler en 1907, l’année terrible. En effet, cette année-là, il perd sa fille aînée, âgée de quatre ans, apprend en même temps qu’il est atteint d’une grave maladie cardiaque, et il est poussé à la démission de la direction de l’Opéra de Vienne. Il va rejoindre la direction du Metropolitan de New-York où il est accueilli comme un prince.
Extase, exultation, raillerie, solitude révolte contre la mort, passion intense s’expriment dans une orchestration d’une superbe maîtrise. Un grand orchestre est nécessaire mais Mahler le traite comme un vaste formation de chambre comportant de nombreux passages solos concertants et une magnifique écriture pour célesta, mandolines et autres instruments “exotiques“.
Le final « Der Abschied » pour voix de contralto ou alto ou baryton est aussi long que tout ce qui l’a précédé. « C’est l’apothéose de Mahler, comme si le texte avait libéré les sources les plus profondes de son génie. »
Quant aux derniers mots : « Ewig…Ewig… », (éternellement…éternellement…), « Une clarté intérieure s’empare de la musique et la traverse de part en part. »
La Symphonie n°10 occupe la première partie du concert. L’Adagio est le premier et seul mouvement que Mahler a intégralement orchestré, d’une durée d’environ 25 minutes. Commencée durant l’été 1910, “oubliée“ pendant l’hiver new-yorkais suivant, elle reste inachevée du fait de la mort du compositeur le 18 mai 1911 à Vienne. Des esquisses pour les autres mouvements serviront de trame que des courageux ont essayé de compléter.
Michel Grialou
crédit photo : Sussie Ahlburg