C’est une reprise épurée, très lisible et passionnante des Liaisons dangereuses, créées par Davide Bombana en avril 2015 pour le ballet du Capitole : sur le lit toujours dangereusement incliné se danse une sensualité sans retenue ; pas de deux, duos et duels disent étreintes, fureurs et hésitations, et la manipulation serpente de chaise en chaise, inoculant son venin implacable. Les lettres sont écrites, transmises, lues, déchirées, froissées, jetées. Mains et bras pervertissent les têtes qui se soumettent. La chorégraphie est sans temps mort, rythmée, athlétique, très expressive, parfaitement exécutée. On perçoit l’emprise de la noire Merteuil (Natalia de Froberville) sur un Valmont butineur en livrée jaune bourdon (Rouslan Savdenov) ; la présidente de Tourvel (Juliette Thélin) est tout en retenue, la jeune Volanges (Alexandra Surodeeva) passe vite des bras de sa mère (Sofia Caminiti) à ceux des hommes, et Ramiro Gómez Samón danse un Danceny élégant, magnifique. On regrettera juste, comme à la création, que le clavecin de Rameau ait la puissance de grandes orgues.
Plus d’apprêts, ni perruques, poudre, mouches, pointes ou chaussons pour Cantata. Les visages sont nus, les pieds martèlent le sol. Volent robes multicolores et cheveux lâchés que considèrent les hommes en bretelles. L’accordéon, le tambourin, les voix de l’ensemble ASSURD et d’Enza Pagliara scandent la complexité et la violence des rapports hommes – femmes, les querelles, les jalousies, les déceptions. On se toise, on se révolte, on mord, on crie. Mauro Bigonzetti a construit une chorégraphie animale, brute, haletante, dans le soleil de l’Italie du sud. Sortant du groupe, Sofia Caminiti, seule robe longue, seule robe noire, seule chevelure brune, danse un solo d’une beauté inouïe, cri du corps d’une femme délaissée peut-être, ou bien veuve, une Santuzza. Les duos sont des corps à corps violents, périlleux. Mais c’est le sud et les tensions fondent dans la fête, la joie de vivre, dans le groupe qui ne fait plus qu’un.
Ovations aux saluts ; on ressort dans la nuit et la froidure, le sourire aux lèvres et l’énergie au corps, avec une furieuse envie de danser.
Images de la générale, 23 janvier 2018
Halle aux grains, 27 janvier 2018
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.