Compte rendu concert. Festival Piano aux Jacobins 2017. Cloître des Jacobins, le 25 septembre 2017. Johann-Sebastian Bach ( 1675-1750) : François Dumont, piano.
Les doigts de lumière de François Dumont
Avec une grande maturité, tout à fait rare chez un pianiste de la trentaine, François Dumont a entraîné le public dans l’univers si merveilleux de Bach. Seul Murray Perahia allie cette lumineuse manière de mettre en lumière la richesse structurale de la musique pour clavier du Cantor de Leipzig, avec une beauté du son d’une variété infinie et une délicatesse de phrasé enchanteresse.
L’aimable musique à programme du Capriccio en l’honneur du départ de son frère à la cours du Roi de Suède, offre une entrée en douceur dans ce monde merveilleux et complexe.
Puis la troisième suite anglaise en sa grande puissance technique permet au pianiste de nous offrir une interprétation toute en souplesse en en intensité expressive. Le sens des phrasés permet de suivre toutes les lignes mélodiques avec bonheur sans jamais oublier, dans une parfaite mise en valeur, de souligner les trouvailles de Bach. La danse s’invite à loisir mais aussi le chant sous une digitalité des plus aboutie techniquement.
Le prélude et fugue en la mineur dans le superbe arrangement de Frantz Liszt est pris dans un tempo rapide qui magnifie l’écriture virtuose et les capacités hors normes de l’interprète. Cela permet de rendre comme un hommage à travers le temps au Stylus Phantasticus que Bach dans sa jeunesse a beaucoup admiré chez Buxtehude. Ce style si riche permettait aux organistes qui en avait les moyens techniques d’improviser avec toute la liberté possible sur des thèmes connus ou inventés. François Dumont pour nous a semblé remonter le temps vers cet âge d’or du clavier au XVII ième siècle en pays germaniques. Sans entractes le musicien a enchaîné avec un prélude et fugue du deuxième livre du clavier bien tempéré. À nouveau son interprétation est sidérante de maturité. La lumière semble fuser de ses doigts tant la structure paraît limpide. Tout chante et danse, se superpose, se répond. Une musique fort complexe qui paraît couler naturelle en sa totale beauté. Pour terminer son fabuleux récital François Dumont a choisi une pièce inouïe. La Chaconne de la Partita BWV 1004 pour violon seul de Bach est un monument à la puissance renversante. Le violon s’y dédouble voir fait entendre jusqu’à trois voix. Busoni en a réalisé une transcription pour le clavier qui fait sonner l’instrument comme un concerto. François Dumont nous ébloui moins par la virtuosité sans faille que par cette lumière si particulière qu’il met dans son jeu. Tout est clair dans cette partition diabolique qui atteint au sublime sous les doigts d’un interprète si sensible et qui nous rend intelligent.
Une autre particularité du jeu de François Dumont outre un amour transmissible pour la musique de Bach est une recherche de couleurs et de sonorités, de variétés de toucher qui évoque l’idée d’une registration de l’orgue. Le public ébloui et ému a fait un triomphe à cet interprète exceptionnel.
En bis il a mis en exergue le goût de Bach pour l’Europe de la culture. Après la suite anglaise inscrite au programme il a interprété une rarissimes Polonaise et un extrait du Concerto Italien en fa majeur. Et pour finir un peu de Chopin, grand admirateur de Bach, et musicien que Francois Dumont sait interpréter avec un art exquis.
Un très beau et grand concert de ceux qui prennent le public par la main pour aller vers la beauté et l’émotion en toute intelligence, au service du génie du compositeur.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. Festival Piano aux Jacobins 2017. Cloître des Jacobins, le 25 septembre 2017. Johann-Sebastian Bach ( 1675-1750) : Capriccio Sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo, BWV.992 ; Suite anglaise n°3 en sol mineur,BWV.808 ; Prélude et Fugue en la mineur ( arrangement de F.Liszt). Prélude et fugue en mi bémol mineur ( extrait du clavier bien tempéré), BWV.853; Chaconne en ré mineur BWV.1004 ( arrangement de F. Busoni) ) ; François Dumont, piano.