Lilia Hassaine publie un premier roman, L’œil de Paon, aux éditions Gallimard. Un conte moderne très réussi et qui grince.
Nous sommes sur une île. Un roi meurt. Ainsi commence le prélude de L’œil de Paon. Puis des noms légendaires, Titus, Adonis et surtout Héra. Nous arrivons dans l’atmosphère d’un conte avec sa grandeur et son suspens. Ceci jusqu’à ce que le père de Héra, inquiet pour sa sécurité, lui demande de partir. Mais où ? A Paris, chez l’oncle et la tante. Il n’y a pas à réfuter, Héra est contrainte d’obéir. La voilà donc qui débarque dans une capitale bruyante, si loin de son île paisible. Le conte plonge dans la réalité moderne. Et quelle réalité ! Héra n’est pas la bienvenue. Son oncle est éternellement absent. Sa tante, cloîtrée dans l’appartement, ne lui parle jamais si ce n’est pour l’humilier. Heureusement, il y a Hugo. Le petit cousin adorable qui s’attache instantanément à Héra. Et c’est réciproque. Héra se retrouve à faire toutes les tâches de la maison et à s’occuper d’Hugo. Jusqu’au jour où cela est trop. Alors Héra décide de n’en faire qu’à sa tête, de sortir et de se servir autant que possible de la carte de crédit. Une liberté qui ne durera pas, Héra est mise à la porte. Tant pis, elle n’aura qu’à se débrouiller, mais Héra s’inquiète surtout pour Hugo. Se séparer du petit garçon est déchirant.
Faire ses pas dans le monde
Héra recommence à zéro. Heureusement, elle a fait la connaissance de Gabriel, l’instituteur d’Hugo. Celui-ci la recueille chez lui et lui fait découvrir l’envers du décor. Un Paris festif et fastueux. Cela grise Héra qui se perd dans le tapage, la fête, les apparences, le rire. Elle en oublierait presque son île, son passé et surtout Hugo qui est resté tout seul.
Nous suivons ainsi les pas de la jeune et innocente Héra qui ne sera pas épargnée, qui découvrira que sous les apparences se cachent des vérités qui égratignent, pire qui détruisent. L’envers d’un conte merveilleux qui montre les travers des humains, leurs vices, leurs mensonges. Face à cela, l’ignorance et l’orgueil sont les pires des attitudes à avoir, Héra l’apprendra à ses dépens.
Au-delà d’une histoire dense, riche, kaléidoscopique, le texte de Lilia Hassaine est très bien écrit et décrit. A la fois dur et poétique, idéaliste et rugueux, il fait froid dans le dos. Un récit qui nous tient en haleine et lorsque le dernier mot est lu nous restons le souffle court. Un très bon premier roman, en somme !
Lilia Hassaine, L’œil de paon, Gallimard, 240 p.
Photo : Hassaine Lilia © Francesca Mantovani