Après Salon, puis La Roque d’Anthéron ADAM LALOUM a ouvert la quatrième édition de son Festival de musique de chambre à Lagrasse. Un vrai bonheur ! Encore trois concerts ce we !!!
Compte-rendu, concert. 4ème Festival de Musique de Chambre des Pages Musicales de Lagrasse. Eglise Saint Michel de Lagrasse, le 31 août 2018. Adam Laloum, piano et direction artistique. Pour une ouverture en grande pompe de la 4è édition des Pages Musicales de Lagrasse, nul ne pouvait rêver interprète plus prestigieux que l’organiste mondialement fêté, qui a étudié dans le monde entier et enseigne aux USA : Nathan J. Laube. Sur l’orgue symphonique Théodor Puget de l’église Saint-Michel de Lagrasse, il a offert un jeu d’une virtuosité et d’une puissance inouïe dans une œuvre de Mendelssohn. Si la délicatesse du jeu de flûte nous a semblé plus agréable et plus en harmonie avec le reste du concert, les fortissimi cathartiques du jeu à pleine puissance ont été en tous cas très impressionnants.
Lagrasse : le Festival du BONHEUR
Ensuite l’oreille a pris un peu de temps pour déguster le délicat équilibre construit par le piano subtile de Jonas Vitaud et le violon diaphane de Mi-Sa Yang. Les deux artistes pleins de délicatesse et de charme ont interprété avec un bonheur constant cette très belle sonate. L’équilibre des timbres, la grâce des phrasés, les belles nuances, tout a émerveillé le public.
Puis le baryton Jacques L’Anthoën et Adam Laloum ont interprété les rares mélodies de Poulenc sur des poèmes d’Aragon et assemblées sous le titre « Le travail du Peintre ». Le baryton élégant n’a pas su trouver l’équilibre attendu entre projection vocale et diction. Cette recherche constante des chanteurs passant de l’opéra à la mélodie est difficile. Jacques L’Anthoën doit privilégier la diction car il peut compter sur une voix naturellement belle et puissante passant très bien et se projetant loin. Il n’a pas besoin de la forcer. La diction à pleine voix n’était pas compréhensible, et c’est dommage car les textes d’Eluard sont savoureux, alors qu’elle a été parfaite lorsqu’il a osé murmurer…
Adam Laloum n’est pas un simple accompagnateur mais un véritable partenaire de fraternité, soutenant le chanteur et sachant toujours parfaitement doser les nuances.
Après l’entracte, la surprise pour le public a été la découverte d’une superbe partition de Witold Lutoslawski pour clarinette et piano. Je ne comprends pas pourquoi ces splendides pages sont si rarement jouées. Remercions Raphaël Sévère de les avoir inscrites au programme. Sa complicité avec Adam Laloum a été sidérante de précision dans des rythmes d’une complexité terrifiante. Les deux amis n’ont semblé trouver qu’amusement dans ces moments de quasi folie rythmique. La musicalité de leur interprétation, la souplesse des phrasés, le jeu de colorations et les nuances subtiles ont fait miroiter la sensualité de la sonorité boisée de Raphael Sévère dans la profondeur harmonique et la puissance expressive dans la laque précieuse du piano d’Adam Laloum. Les deux musiciens nous ont offert un moment de rare musicalité partagée avec un public bouche-bée et parfaitement silencieux.
Les trois chanson de Bilitis de Debussy sont peut être la quintessence de son art de mélodiste. La beauté de la musique qui épouse les poèmes, le piano qui campe un décor mouvant sont du meilleur Debussy. Claire Péron nous a régalé des poèmes superbement dits et portés par une voix au timbre agréable ; et le piano de Jonas Vitaud a été précis et nuancé mais sans arriver à trouver la liquidité attendue ici.
Aussi belles à regarder qu’émouvante à écouter les deux violonistes Charlotte Juillard et Mi-Sa Yang nous ont subjugué ensuite dans la très originale sonate de Prokofiev pour deux violons sans accompagnement. Timbres chauds, phrasés portés à l’incandescence et jeu de miroirs, comme d’oppositions, toute les subtilités ont été merveilleusement offertes au public dans une complicité de chaque instant. L’énergie, l’humour et même la facétie sont au rendez vous, mais surtout le grand bonheur.
Après tous ces duos infiniment variés et aux beautés diverses, le concert c’est terminé sur un trio au romantisme décoiffant. Le trio op.101 de Brahms est un chef d’oeuvre longtemps travaillé mais qui est devenu peut être l’une des pièces les plus enthousiasmantes pour ces trois instruments tant fêtés par de si merveilleux composteurs. La passion de cette interprétation a été portée par le violon sauvage de Charlotte Juillard qui est presque allé à suggérer quelque concerto pour violon déguisé. Son jeu, ses expressions et ses mouvements sont si habités de musique que rien ne peut sembler plus émouvant avec cette force. Tristan Raës a la même puissance romantique et il a su l’ajuster avec infiniment de délicatesse au jeu passionné de la violoniste. Le violoncelliste Adrien Bellom n’a jamais démérité mais a semblé si admiratif de la fougue de Charlotte Juillard qu’il l’a suivie mais n’a pas surenchéri à ses propositions.
Un concert très généreux et original, parfaitement construit tant dans la variété des oeuvres que la qualité des musiciens a donc ouvert le festival 2018 des Pages Musicales de Lagrasse. Tout cela annonce de bien beaux moments. Le bonheur était sur scène autant que dans l’église.
Hubert STOECKLIN
Compte-rendu, concert. 4ème Festival de Musique de Chambre des Pages Musicales de Lagrasse ; Lagrasse, église Saint Michel, le 31 août 2018 ; Félix Mendelssohn ( 1809-1847): Pièce d’orgue ; Nathan J. Laube, orgue ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate en La Majeur pour violon et piano K526 ; Mi-Sa Yang : violon ; Jonas Vitaud : piano ; Francis Poulenc (1899-1963) : Le Travail du Peintre ; Jean-Jacques L’Anthoën : baryton ; Adam Laloum : piano ; Witold Lutoslawski (1913 – 1994) : 5 Dance Préludes ; Raphaël Sévère : clarinette ; Adam Laloum : piano ; Claude Debussy (1862-1918) : 3 Chansons de Bilitis ; Claire Péron : mezzo-soprano ; Jonas Vitaud : piano ; Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Sonate pour deux violons Op.56 ; Charlotte Juillard et Mi-Sa Yang : violon ; Johannes Brahms (1833 – 1897) : Trio en do mineur Op.101 ; Charlotte Juillard : violon ; Adrien Bellom : violoncelle ; Tristan Raës : piano.
Photos © H. Stoecklin: le bonheur partagé après le duo clarinette ( R. Sévère ) piano (A.Laloum) et la sonate pour deux violons ( C. Juilard et M.S Yang)