C’est assez rare pour que ce soit souligné, mais l’action de l’opéra qui inaugure la saison 2017/2018 du Théâtre du Capitole se déroule au cœur des Pyrénées catalanes. Cette œuvre est signée Eugen d’Albert (1864-1932), un compositeur né en Ecosse, de mère anglaise et de père allemand d’origine franco-italienne. En fait il était presque l’Europe entière à lui tout seul.
Après des études brillantes au Royaume Uni, Eugen d’Albert s’exile en Allemagne et germanise son prénom. Là il va travailler avec Franz Liszt et Johannes Brahms. Il découvre aussi l’œuvre wagnérienne, une œuvre qui va profondément le marquer musicalement au point qu’il adopte dans ses opéras le principe du leitmotiv. Pianiste virtuose recherché, il va également être un compositeur prolixe pour le piano, la mélodie (il en écrit une soixantaine) et l’opéra dont il signe 20 opus. A vrai dire, seul Tiefland a survécu à l’Histoire. Et encore de manière sporadique. C’est bien sûr l’entrée de cette œuvre au répertoire capitolin qui est proposée aux mélomanes en ce début de saison.
Vérisme d’Outre-Rhin
Le livret de cet opéra est tiré d’une pièce écrite par le catalan Angel Guimerà (1845-1924). Où il est question d’un jeune berger, Pedro, qui se voit contraint d’épouser Marta sans savoir qu’elle est la maîtresse d’un riche fermier, Sebastiano. Celui-ci veut garder ainsi sa maîtresse tout en se mariant avec une riche héritière. Après les noces, Pedro va être mis au courant de son infortune et tuera Sebastiano. Le crime accompli, il repart dans ses montagnes… au bras de Marta. Difficile de concevoir un sujet plus vériste que celui-ci.
Le drame se joue donc sur des accents pucciniens, avec une musique dans laquelle il est aisé de reconnaître l’influence du Magicien de Bayreuth, mais aussi celle de Richard Strauss.
C’est donc presque évident que les chanteurs requis doivent être de format tétralogique.
La distribution réunie, pour les premiers rôles, nous vaut le plaisir de retrouver le ténor autrichien Nikolaï Schukoff qui fut au Capitole en 2010 un splendide Jim Mahoney lors de la création in loco de Grandeur et Décadence de la ville de Mahagonny. Un interprète dont le rôle-signature n’est rien moins que Parsifal ! A ses côtés nous allons découvrir la soprano américaine Meagan Miller dans le rôle de Marta. Cette cantatrice est coutumière des rôles wagnériens et straussiens. Face à eux, le baryton allemand Markus Brück sera Sebastiano.
Ce chanteur possède à son répertoire les plus grands rôles dans sa tessiture de Verdi, de Wagner et de Mozart. Une découverte encore une fois surement passionnante. A noter que ces trois artistes chanteront ces rôles pour la première fois.
Au pupitre de cette création, le chef d’orchestre Claus Peter Flor, un habitué de la fosse de notre théâtre où il œuvrait encore récemment pour Le Prophète à la fin de la saison dernière. C’est dans une nouvelle production que se fait cette entrée au répertoire. Elle est signée pour la mise en scène de Walter Sutcliffe, celui-là même qui mis en scène in situ la soirée Britten comprenant Le Tour d’écrou et Owen Wingrave en 2014.
Une affiche somptueuse pour une œuvre à découvrir.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
Tiefland, Eugen d’Albert
29 septembre au 8 octobre 2017