Concert ; Festival de Prades 2016, 64 iéme édition ; Abbaye Saint Michel de Cuxa, Codalet ; Le 3 aout 2016 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Quintet « La Truite » pour piano et cordes en la majeur op114, D.667 ; Peter Schuhmayer, violon ; Hartmut Rohde, alto ; Jérôme Pernoo, violoncelle ; Jurek Dybal, contrebasse ; Olivier Gardon, piano ; Antonín Dvořák (1841-1904) Quintet avec piano n°2 en la majeur op.81 ; Itamar Golan, piano ; Quatuor Talich : Jan Talich et Roman Patocka, violon ; Vladimir Bukac, alto ; Petr Prause, violoncelle.
Grands Quintettes …
et immenses musiciens !
Prades c’est également une manière de prendre le temps pause dans la vie incessante des musiciens. Venir écouter les collèges, jouer une œuvre par soir et de revenir les jours suivants. Ainsi chacun a l’air de donner une énergie démultipliée qui a des effets sur des qualités d’exécution hors normes. Le concert de ce soir a été assombri par le départ le matin même de Christian Altenburger (violon prévu dans la Truite) en raison d‘un deuil. Peter Schuhmayer, l’a remplacé et a repris une partition, que certes il connaît bien, mais c’était un peu juste le matin même avec ses compères.
Je dis bien compères car je crois que ce qui a particulièrement été frappant c’est la complicité toute de familiarité et de parfaite exécution des musiciens. Ce n’est pas tout de programmer le même soir deux œuvres célébrissimes mais plus rare de trouver l’alchimie parfaite des interprètes capables de renouveler par leur vivacité le propos et stimuler ainsi l’écoute. La Truite a frétillé. Le pianiste, Olivier Gardon le bien nommé, musicien jusqu’au bout des doigts était heureux comme un poisson dans l’eau. Il a su doser jusqu’à l’infinitésimal sa présence entre fortissimi cataractiques et murmures suaves accompagnant la nage des autres musiciens.
En début de concert tous les artistes couvaient des yeux le violon de Peter Schuhmayer qui avec panache a su affronter le défi qui l’attendait. Très vite il a trouvé une aisance souveraine qui en dit long sur sa connaissance de cette partition.
L’alto de Hartmud Rohde est une merveille de musicalité suivant des yeux le musicien avec qui sa phrase s’accorde ou s ‘oppose adaptant nuances tempi avec élégance. Le son qu’il tire de son instrument est voluptueux, chaud et vibrant.
Au violoncelle avec des sourires généreux et une assurance bon enfant Jérôme Pernoo lui aussi couvait des yeux le violon. Contrechants et rythmes décalés lui semblaient naturels dans la joie de compléter la beauté, puis il se saisissait de ses phrases pour en faire des bijoux de musicalité. Il a formé également un duo de choix avec son compère bassiste. Tels de vrais bad boys au charme irrésistible ils assenaient leurs traits communs comme des coups canailles pour troubler les eaux et effrayer les poissons. Car le choix de Jurek Dybal à la contrebasse est un trait de génie. Ce musicien complet, chef d’orchestre, soliste et chambriste, jazziste apprécié, semblait se délecter à chaque instant de cette partition, assurant l’assise rythmique et harmonique sur laquelle les autres dansaient.
Cette intelligence musicale partagée de la partition la plus vivifiante qui existe a été une grâce supplémentaire pour le public qui a a été enthousiaste dans ses applaudissements.
Le Quintet de Dvořák est dans la même tonalité de la majeur brillant Il en émane la même joie de vivre avec des moments d’une tendresse désarmante.
Le quatuor Talich que nous avons tant de plaisir à découvrir dans tout le répertoire a été un enchantement de chaque instant. Ils ont créé une osmose avec le pianiste Itamar Golan qui été lui aussi donné une énergie incroyable à sa partie. Précision des traits, clarté du jeux, imagination dans les phrasé et les nuances il a été un partenaire à la hauteur de la subtilité des Talich qui ont semblé survoltés.
On ne peut imaginer interprétation plus vivante, musicale, phrasée avec art dans des nuances poussées au bout. Les regards complices, les tuilages, les relances, tout a été un régal total poussant très haut la beauté de cette partition royale. Un immense moment de musique dans une interprétation de référence ou tout a été un rêve éveillé pour le public enthousiaste. Une telle parenthèse de beauté et de vie n’a pas de prix !
Hubert Stoecklin