Les travaux de la photographe américaine de l’après-guerre Helen Levitt et de l’artiste Benoît Luisière originaire de l’Ariège, sont exposés au Pôle photographique du Château d’Eau de Toulouse, jusqu’au 18 septembre prochain : pour décrouvrir deux styles photographiques bien distincts et marqués.
Helen Levitt : maître de l’instant dans les rues de New York
Infiltrée dans l’univers des enfants des quartiers pauvres de New York dans les années 30-40, sans surtout ne jamais le perturber, Helen Levitt se concentre dès ses débuts dans la photographie, sur l’espace urbain fourmillant. Depuis le 3 juin et jusqu’au 18 septembre prochain, l’exposition au Pôle photographique du Château d’Eau présente une sorte de poésie citadine intitulée sobrement « In the street ».
Très jeune, Helen Levitt arrête ses études pour se lancer dans la photographie. Mais le véritable bouleversement constitue la découverte du travail d’Henri Cartier-Bresson, de Walker Evans et de Manuel Alvarez Bravo. Ces rencontres vont ébranler sa photo et considérablement influencer son travail. Spontanée et instinctive, Helen Levitt ne cherche pas à dénoncer, invoquer, ni même raconter, elle capte simplement des moments visuellement intéressants. Son travail se veut essentiellement contemplatif : elle observe mais n’interagit pas.
Ses sujets de prédilection sont les enfants dans les rues des quartiers de Brooklyn ou Harlem, qui s’amusent, dansent et grimpent. Elle photographie alors leurs premiers graffitis à la craie et leur caractère éphémère. D’une composition plutôt simple, elle met en lumière des personnages originaux souvent identifiables par leur tenue. La rue se transforme alors en véritable scène de théâtre où se jouent des actes de la vie de tous les jours avec grâce et humour. D’abord en noir et blanc, Helen Levitt aborde la couleur dans sa photo en 1959. Mais, l’espace urbain a complétement été modifié, comme dépouillé de son agitation d’autrefois. Ces deux étapes sont donc visibles lors de l’exposition où l’artiste exploite l’expression photographique : elle-même disait « La beauté est dans la réalité elle-même ».
Benoît Luisière : exploration du banal et de l’ordinaire
En contrepoint, le photographe ariégeois Benoît Luisière expose à la grande galerie du Château d’eau toujours, sur le thème « Les dimanches sont conformes, les écarts sont ordinaires », depuis le 30 juin et jusqu’au 18 septembre. Ce dernier s’intéresse aux objets anodins et insignifiants pour parler de nous, du quotidien et de notre époque. Il interroge avec humour, ironie et dépouillement.
Benoît Luisière apprécie la photographie dite « pauvre » pour en extraire cette banalité qui l’intéresse tant. Son travail est aussi marqué par l’appropriation de l’image des autres : il prend l’apparence de personnages singuliers et reconnaissables entre tous, pour y coller son visage sur celui des autres et explorer l’échange d’identité. Le photographe explique alors : « D’une part, j’agis comme le caméléon qui parcourait des forêts d’images […] D’autre part, j’interroge ma relation à l’Autre ».
Marjorie Lafon
Le Château d’Eau Pôle photographique de Toulouse