Presque aux portes de Toulouse, dans le Gers, s’étend la Lomagne. On l’appelle aussi Toscane française, à cause de ses horizons dégagés et reliefs bosselés. Pour le visiteur, la Lomagne compte de nombreux attraits : des vignes, un climat clément et des chanteurs de charme devenus célèbres grâce à une inclinaison pour les filles aux yeux revolver. Elle est, aussi, le berceau d’un des festivals de photographie contemporaine les plus exigeants : l’Été Photographique de Lectoure.
L’édition 2016 se présente par trois mots : Utopies, Espoirs, Colères. Aline Pujo, qui fut conservatrice du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris ainsi que de grandes collections photographiques, en est la commissaire invitée :
« Après une année marquée par une actualité chargée, le festival interroge la façon dont les artistes réagissent face à la violence, à l’injustice ou au désarroi. Comment expriment-ils dans leurs œuvres les colères, les espoirs, voire les utopies de leurs contemporains ? Plaques sensibles de leur époque, tous ont dû à un moment ou à un autre réfléchir à leur positionnement d’artiste face à l’histoire et à ses soubresauts afin de trouver la bonne distance, celle qui permet d’inventer des réponses. »
Le festival parcourt la ville, se dispersant en cinq lieux : le Centre d’art et de la photographie, la halle, l’ancien hôpital, l’ancien tribunal et la minuscule ferme de la Cerisaie. C’est une contextualisation très réussie : l’invention d’une cohérence entre des lieux et des œuvres, prémices nécessaires à la rencontre entre des artistes et un auditoire.
Aline Pujo a invité dix-sept créateurs internationaux pour illustrer cette ligne éditoriale forte. Les médiums et narrations se multiplient pour composer un objet à taille de ville d’une grande richesse visuelle et créative, sensible et intellectuelle.
Telle l’œuvre du plasticien Taysir Batniji, qui use de l’humour noir-très noir et de l’esthétique commerciale immobilière pour dénoncer l’écrasement de la bande de Gaza.
Ou le photographe Mathieu Pernot : à travers ses portraits, beaux et doux comme des toiles de George de la Tour, s’exprime toute la rudesse de la vie des Tziganes d’Arles.
Et Frank Smith, vidéaste, auteur d’un film de vingt-six minutes mettant en scène l’ultra-fragilité de notre humanité physique et morale. Après une succession de séquences d’une grande puissance narrative, le film s’arrête sur une image d’une abstraction totale : un objet gris indéterminé sur une vaste surface claire. C’est la vision au viseur d’un bateau de migrants chaviré en pleine mer. Toute en douceur, la voix-off martèle : « Nous n’avons qu’un seul monde mais ce n’est plus le nôtre ». Bouleversant.
Eva Kristina Mindszenti
L’Été Photographique de Lectoure – Utopies, Espoirs, Colères
du 16 juillet au 11 septembre 2016
Centre d’art et photographie de Lectoure
Maison de Saint-Louis
8 cours Gambetta
32700 Lectoure
Tél : 05-62-68-83-72
Tout au long du festival, de nombreuses rencontres, conférences, projections, ateliers et visites sont proposées.