E VIVA VERDI. Le récital d’air d‘opéras avec orchestre est parfois un genre un peu compassé. L’enchainement de préludes, airs, chœurs, ensembles et autre ouverture peut ressembler à une caverne d‘Ali Baba sans fil directeur ni grâce. Ce soir est à marquer d‘ une pierre blanche tant il a semblé scellé par la marque de la perfection. Le public très nombreux (à guichet fermé) est sorti enthousiaste et ravi de cette belle soirée d‘opéra consacrée à Verdi.
L’alchimie qui a fait s’assembler des éléments disparates doit beaucoup au sens théâtral combiné de Tugan Sokhiev et du baryton basse Ferruccio Furlanetto. De même qu’aucun air de basse de Verdi ne semble écrit pour la voix de la basse italienne, de même on ne sait quel opéra de Verdi ne convient pas admirablement à la baguette passionnée et précise du chef d’orchestre. Tugan Sokhiev excelle dans la manière dont il empoigne le son pour la musique de Verdi. Que ce soit dans les préludes (la délicatesse soyeuse de la Traviata) les récitatifs ou les airs, y compris dans les moments plus pompiers, surtout dans les chœurs, il met immédiatement un sens du drame qui émeut. Dès les premières mesures de la célébrissime ouverture de la Force du Destin, le tempo allant, la tenue rythmique, le sens du phrasé et la beauté du son ouvrent un théâtre qui ne fera que d’avantage s’épanouir vers la passion. Sans respecter la chronologie des opéras de Verdi la construction comme l‘agencement des divers morceaux construit entre tension, détente, énergie vive et émotion suspendue… un parcours digne d‘un ouvrage scénique. Et quel plaisir d‘entendre dans une salle symphonique un orchestre de cette trempe dans Verdi. Adieu l’idée de la guitare géante, le moindre accord, les pizzicati les plus tenus ont tout d’un sens dramatique évident.
Les solistes de l’Orchestre du Capitole ont brillé, les violoncelles dont la soliste Sarah Iancu ont arraché des larmes, les cors dans Don Carlo ont été chargés d’angoisse. Les cordes dans la Traviata ont été voluptueuses. Le chœur du Capitole admirablement préparé par Alfonso Caiani comportait des supplémentaires. Les pages chorales ont été magnifiées par la présence d’un tel chœur. Les longues implorations de Nabucco, les vifs échanges du feu d’Otello, les effets de tension extrême comme les piani les plus flottants, tout était là. Et les pupitres bien timbrés et tous très homogènes. Une diction impeccable a subjugué le public. Mais le plus fantastique évènement a été la présence chaleureuse et dramatique de Ferruccio Furlanetto. La basse italienne connaît chaque rôle par cœur, il les a chanté sur les plus grandes scènes. Il sait dominer la vocalité verdienne avec une suprématie éclatante. La diction, le sens du drame sont parfaits. La voix conduite avec art sait jouer de toutes les nuances, de toutes les couleurs. Le legato est suprême, le slancio élégant. Une telle conduite de son est un véritable baume. Tous les rôles ont été incarnés du simple prêtre au monarque solitaire avec justesse. Noble voix pour nobles rôles. Ferruccio Furlanetto, sait également avec panache se lancer dans les cabalettes et l’énergie que met Tugan Sokhiev en fait un moment de délice théâtrale et vocal. En bis le grand air d‘Attila avec cabalette a été d’un panache incroyable.
Un très beau concert consacré à Verdi dans lequel la magie née de l‘association de grands artistes dans un choix artistique admirablement pensé, a fait le bonheur du public toulousain.