Toulouse, Capitole le 30 juin 2015. Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot, Drame lyrique en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d’après la fable de Carlo Gozzi créé le 25 avril 1926 à Milan. Nouvelle production en coproduction avec le Staatstheater Nürnberg et le NI Opera (Belfast);Calixto Bieito, mise en scène ; Rebecca Ringst, décors ; Ingo Krügler, costumes ; Sarah Derendinger, vidéo ; Avec : Elisabete Matos ,Turandot ; Alfred Kim, Calaf ; Eri Nakamura, Liù ; Luca Lombardo , l’Empereur Altoum ; In Sung Sim Timur ; Gezim Myshketa, Ping ; Gregory Bonfatti, Pang ; Paul Kaufmann, Pong ; Dong-Hwan Lee, Un Mandarin ; Marion Carroué, Une Servante ; Argitxu Esain , Une Servante ; Dongjin Ahn, Le Prince de Perse ; Choeur et Maîtrise du Capitole : Alfonso Caiani, direction ; Orchestre national du Capitole ; direction musicale, Stefan Solyom.
Erare humanm est , sed persevare diabolicum (1).
Quelle tristesse, quelle déception. La princesse Turandot, belle et cruelle, issue d’un conte irisé de couleurs, ravalée au fond d’un dépôt d’usine. Il en fallait de l’impudeur et de l’inculture pour mettre à mal ainsi l’ultime ouvrage de Puccini. ! On ne sait qui plaindre le plus les auteurs de la mise en scène sans poésie ni imagination ou les commanditaires irresponsables et dispendieux de l’argent public. Calixto Bieito est venu, il a sévi qu’ il ne revienne jamais ni à l’opéra, ni surtout à Toulouse avec un tel vide d’idées. La laideur absolue de la vue, sauf les lampions rouges, aura gâché la sublime partition de Puccini pour ceux qui n’ont pu regarder l’orchestre pour retrouver les couleurs et l’intensité musicale de la partition. Car heureusement l’orchestre a été merveilleux de précision, couleurs, nuances et phrasés. La direction de Stefan Solyom est souple, et développe avec efficacité l’éclat d’une partition fleuve à la riche orchestration. Le deuxième atout de cette production est le choeur et la maitrise, parfaits de présence vocale et de délicatesse de nuances. Le patient travail d’Alfonso Caiani porte les chœurs au sommet de l’opéra italien. La distribution est interdite de jouer et de montrer la moindre émotion ou le moindre sentiment. La performance d’ Alfred Kim en Calaf n’est que plus admirable. Voix belle, large et bien conduite mais impossible de déceler les capacités de l ‘acteur dans un tel marasme…
La Liu d’ Eri Nakamura a une voix corsée au large vibrato encore maitrisé, seule sa musicalité permet un peu d ‘émotion tant son jeux est bridé. Le minimum syndical pour la mort de Liu ! Il fallait imposer cela à une cantatrice trop docile.
Les autres acolytes, dont Ping, Pang, Pong, sont bons chanteurs mais tellement grotesques sur scène qu’ils ne peuvent rien offrir comme émotion même dans les évocations poétiques le la maison au bord du lac bleu… L’empereur Altoum, avec Luca Lombardo, est pour une fois une belle voix, avec l’autorité qui convient , mais sa mise en couches scénique signifie sa sénilité avec grossièreté…
Reste le cas d’ Elisabete Matos. Déjà dans Isolde sa placidité nous avait déconcerté, accablée d’une mise en scène ridicule , en blonde façon femme politique sur fond bleu marine, le ridicule la happe sans cesse. Et la voix immense et sans vie semble sans âme. Une machine à faire du son plus qu’une musicienne ne saurait rendre la complexité du personnage, la mise en scène détruit jusqu’à la crédibilité de la cantatrice…
Pour une fois il y a eu mauvais choix et injure au compositeur dans une production Capitoline. Avec beaucoup trop de politesse aux saluts, le public a vivement hué les responsables du massacre. Autrefois ils auraient eu droit aux plumes et au goudron.
Oublions ce cauchemar de cartons, laideur et bêtise.
C’est l’été, les festivals nous réconforterons et la rentrée ne peut être aussi moche, non, non , ce n’était qu’un très mauvais rêve…. Oublions….
ERRARE HUMANUM EST …
SED PERSEVERARE DIABOLICUM !
Avis , avis aux décideurs.
(1) L’erreur est humaine si elle persévère, elle devient diabolique
Chronique publiée sur classiquenews.com par Hubert Stoecklin