Comme promis par Francis Grass, adjoint à la Culture de la Mairie de Toulouse, la nomination du futur directeur du Théâtre Daniel Sorano a été annoncée par le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, avant le 14 juillet, le jeudi 9 juillet, et ce dans les locaux même du théâtre.
Et le nom de l’heureux élu va combler les amoureux du théâtre à la fois soucieux d’une culture populaire et d’innovation, car il s’agit du directeur artistique de la Compagnie Tabula Rasa, Sébastien Bournac.
C’est un choix enthousiasmant et heureux, car voir enfin après Jacques Nichet un homme de culture et de lettres accéder à la direction d’un lieu théâtral n’est hélas pas si fréquent, devant la prise de pouvoir des gestionnaires au détriment des amoureux des mots.
Le pari de la jeunesse, de l’avenir, et de l’imagination a donc été pris, et cela est porteur de belles aventures à venir.
Et on peut parler de symboles, de cohérence et de continuité.
Symboles comme l’a rappelé le maire avec en 2015 la célébration des 90 ans du père fondateur, Maurice Sarrazin, celle des 70 ans du Grenier de Toulouse, celle des 50 ans du Théâtre Daniel Sorano. Et puis dans cette année décidément fastueuse, la nomination d’un nouveau directeur du théâtre.
Cohérence enfin pour replacer le théâtre comme élément fondamental de la politique culturelle de la ville.
Et après l’éviction brutale et scandaleuse du charismatique Didier Carette, la parenthèse malheureuse et médiocre de Ghislaine Gouby, sans oublier les magnifiques sauvetages de saison de Pascal Papini, qui par deux fois aura sauvé ce théâtre, voici enfin s’avancer plein de foi et de désir Sébastien Bournac, garant d’un cahier des charges demandant en plus de la diffusion des artistes, une ouverture sur la région et aux nouveaux artistes.
Continuité, car Sébastien Bournac travaille avec ce théâtre depuis 2007, et quelques-unes de ses créations ont eut lieu ou auront ici même (Dialogue d’un chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis bientôt en novembre 2015, Jardin d’incendie sur le poète Al Berto, Music-Hall de Jean-Luc Lagarce, No man’s land, des chantiers poétiques -Et là-bas quelle Heure est-il ? )
Il connaît donc parfaitement l’équipe du Sorano animée par Julie et Karine, et qui travailleront en osmose avec lui. Il ne s’agit donc par, pour une fois, d’un parachutage, mais d’une belle reconnaissance d’un artiste qui aura labouré la région avec ses créations, ses chantiers, ses interventions auprès des jeunes. Que de résidences au long cours ! (Cahors, Rodez, La digue, quatre ans à Albi…) qui lui ont forgé une satanée expérience théâtrale !
D’autres créations soit au TNT avec l ‘ami Jacques Nichet, soit à la Digue et dans toute la région Midi-Pyrénées, dont spécialement la scène nationale d’Albi, mais aussi en Aquitaine, ont ancré ce passionné de poésie et de théâtre dans notre paysage culturel.
Continuité encore avec le temps flamboyant et un peu chaotique de Didier Carette, car il travaille avec la compagnie Ex-Abrupto, et particulièrement avec le magnifique Régis Goudot.
Unanimement désigné par le jury pour son projet pensé et plein d’imagination, Sébastien Bournac va diriger le Théâtre Sorano, pour une durée de trois saisons complètes à partir du 1er janvier 2016 et jusqu’au 31 août 2019.
Sébastien Bournac sorti de Normal SUP Paris et agrégé de lettres classiques, a débuté la mise en scène lorsqu’il était encore étudiant à l’école normale supérieure à Paris comme Nichet d’ailleurs.
De 1997 à 1999, il travaille comme collaborateur artistique et littéraire au Théâtre National de la Colline avec Alain Françon, et au Théâtre des Amandiers de Nanterre, où il a été aussi assistant à la mise en scène de Jean-Pierre Vincent.
Il a ensuite travaillé de 1999 à 2003 avec Jacques Nichet au Théâtre National de Toulouse (TNT), plus spécialement avec l’Atelier Volant, vivier de jeunes comédiens, avant de créer à Toulouse la compagnie Tabula Rasa en 2003 sous l’amicale pression de Nichet afin de recommencer à zéro.
À la tète de cette compagnie il crée de nombreux spectacles, souvent très remarqués, au Théâtre de la Digue à Toulouse ou avec la scène nationale d’Albi par exemple. Il est également professeur de théâtre en classe préparatoire aux grandes écoles. Création et action culturelle sont ses critères d’action et sa nécessaire audace est son arme.
Et tout ce chemin parcouru dans tant de lieux, plus ou moins bien équipés, le mène enfin à ce théâtre tant désiré.
Il vient non pas avec une troupe, mais avec une compagnie, aussi il sera dans la pleine ouverture aux autres et non pas obsédé à faire création sur création pour nourrir une troupe permanente.
« Responsabilité, pragmatisme, enthousiasme et joie » sont ses étendards pour entreprendre son long voyage dans ce théâtre.
Et c’est cette capacité d’enthousiasme qui rend cette aventure pleine de possibles et de promesses, afin de mettre en place comme il le dit « un théâtre, exigeant, populaire, audacieux, festif, joyeux, contemporain, attentif aux troupes, attentif au public ». Et « avec joie et exigence », il entreprend sa traversée du désir théâtral. Doté d’un budget municipal de 900 000 euros sur un budget global de 1,2 million d’euros, il part confiant et déterminé.
Sébastien Bournac a rejoint son Ithaque, mais l’Odyssée ne fait que commencer. Et lui qui aime citer René Char nous pouvons lui dédier celle-ci du même : « Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. (Extrait de La Parole en archipel)
Nous suivrons donc ses traces et « à le regarder nous nous habituerons ».
Et là-bas quelle Heure est-il ? Ce chantier imaginé au Sorano a aujourd’hui sa réponse, il est l’heure de Sébastien Bournac !
Et les citations qu’il a placées en exergue sur le site de sa compagnie Tabula Rasa éclairent ses ambitions :
« Ici, depuis le plateau du théâtre, lieu de notre rébellion, nous regarderons le monde. » Jean-Luc Lagarce.
« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. » René Char
Bon vent Sébastien !
Gil Pressnitzer
S. Bournac © F. Passerini – Cie Tabula Rasa