Proposé par le Théâtre Garonne et L’Usine à Tournefeuille pour clôturer l’année dans la bonne humeur et la convivialité, le cycle «Bivouac» présentait quatre spectacles, entre clown, cirque et théâtre, dont « la Bobine de Ruhmkorff » de Pierre Meunier.
Comme la saison dernière avec le fantastique « Matamore », offert par le Cirque Trottola et le Petit Théâtre Baraque, le Théâtre Garonne et L’Usine à Tournefeuille proposaient en décembre le cycle «Bivouac». Entre clown, cirque et théâtre, quatre spectacles étaient à l’affiche pour clôturer l’année dans la bonne humeur et la convivialité. Catherine Germain, Pierre Meunier, le Théâtre Dromesko et Bonaventure Gacon étaient de la partie cette saison. Souvent liés les uns aux autres, sachant jouer avec les mots et créer des images inoubliables, ces artistes ont en commun l’univers du cirque. Ainsi, Igor et Lily Dromesko ont-ils accueilli dans leur célèbre Volière, dans les années 90, Pierre Meunier qui pour ne pas être un volatile n’en est pas moins perché !
Drôle d’oiseau que ce Pierre Meunier avec son univers si singulier de génial inventeur, bricoleur, poète, philosophe, physicien, clown…. Il est allé chercher le titre de son spectacle-performance, « la Bobine de Ruhmkorff », chez l’ingénieur allemand Heinrich Ruhmkorff. Ce dernier inventa au XIXe siècle cette bobine à induction permettant de générer une décharge de 60 000 volts à partir d’une énergie faible – «un courant sans ambition», dixit Pierre Meunier. Attendre l’arrivée sur scène de Pierre Meunier, c’est se mettre dans un état d’attente amoureuse tant ses plateaux énigmatiques jonchés d’installations foutraques, de machineries faites de ressorts, de câbles électriques, de portiques et autres échafaudages métalliques sont une promesse de bonheur, de gourmandise intellectuelle et visuelle.
Ici, c’est au sexe que va s’en prendre Pierre Meunier – ce mot qui ne nous laisse pas tranquille – et, dans une pensée qui se donne à entendre, nous éclairer sur le mystère du désir, de l’attraction, de la rencontre. Ce bel acteur doublé d’un grand auteur sait autant manier la parole, les jeux de mots, les doubles sens, telle une matière malléable, avec drôlerie, verdeur et poésie, que manipuler l’argile, le fer ou le cuivre dont il parvient à extraire des sons inédits et à tirer des concepts philosophiques vertigineux. De l’attraction terrestre à celle des corps, du courant continu au désir charnel, des décharges électriques à l’orgasme, Pierre Meunier nous entraîne dans cette réflexion métaphysique où les mots se font «j[ouïs]-sens». Le tout, entrecoupé de contes très érotiques et troublants. Il est rare de voir sur un plateau de théâtre un homme en bras de chemise pétrir un phallus en argile de belle taille, ou de l’entendre encourager les mâles hétéros à subir la sodomie pratiquée sur eux par leur femme ! « La Bobine de Ruhmkorff » a le talent de faire rimer intelligent avec hilarant et crudité avec spiritualité.
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio