C’était gonflé ! Penser égaler voir dépasser Vienne pour le concert du Nouvel An ! En proposant deux concerts l’un le 31 décembre et l’autre le 1er janvier, afin d’encadrer le portique du passage de l’An neuf, Tugan Sokhiev a permis à plus de 4000 auditeurs toulousains de participer à un moment de pur délice musical en ces jours de fêtes. Contrairement à la Ville de Vienne qui a eu son beau concert radiotélévisé (une sage et docte direction un peu molle), Toulouse a bouillonné de joie de vivre.
L’année 2013 sera heureuse à Toulouse !
L’ Orchestre du Capitole est constamment rajeuni et la parité y est de mise. La beauté des musiciens, leur engagement, leurs sourires complices, en plus de leurs impeccables qualités musicales, tout cela participe de la fête. Tugan Sokhiev est détendu, charmant, souriant très souvent. Il lui arrive de diriger du regard sans gestes, de danser davantage qu’il ne dirige. Cette attitude si avenante et ostensiblement heureuse du chef comme de tous les musiciens contamine le public nombreux et de toutes les générations unies, qui participe activement au concert. Par une écoute attentive d’abord, puis par des applaudissements nourris, et enfin par la battue des mains en mesure en fin de concert. Le programme a été pensé avec un grand sens de l’élégance. Johann Strauss le fils, a eu tous les honneurs. L’ouverture de « Die Fledermaus » est enlevée, admirablement nuancée et théâtralement riche de sens. Les fameux thèmes ont été ciselés, dans un rythme précis, un tempo exact. Voilà un ouvrage que Tugan Sokhiev saura diriger à la perfection. Roses du Sud, est une ample valse à la construction précise. L’élégance de la direction de Tugan Sokhiev a parfaitement convenu à cette partition si délicate. Le jeu de chaque instrumentiste concentré et pourtant très souple a magnifié l’esprit de la Valse Viennoise de concert.
Mais c’est peut-être dans cette irrésistible Annen Polka que le génie de Strauss a rencontré celui du chef ossète si avide de précision rythmique. Dans un vrombissement permanent, et une avancée fulgurante, chacun a senti le flux d’énergie le gagner, lui promettant d’entrer dans une année à l’élan résolument engagé. Le beau Danube Bleu est peut-être la quintessence de l’esprit viennois de fête. L’interprétation de la phalange toulousaine et de son chef a été divinement nuancée avec une clarté irrésistiblement séduisante.
« Johann Strauss est celui qui donne le plus de joie » ; en admirant son aîné l’autre grand Strauss, Richard, a écrit une suite d’après son Chevalier à la Rose qui non seulement a une orchestration rutilante mais également un esprit de danse et de bonheur sans la mélancolie de l’opéra. L’érotisme du début de la partition, les lourdes effluves de la présentation de la Rose, les émois des jeunes amoureux, les ombres carnavalesques pour le Baron Ochs, tout a été suggéré avec une théâtralité pleine d’humour.
La danse Macabre de Saint-Saëns faisait figure d’invité surprise dans ce paysage purement viennois. L’esprit décalé de la partition virtuose était bien venu afin de vivifier et de rafraîchir l’ambiance saturée de riches effluves. Les secondes de pagailles dans le début de la fugue ont permis de se rappeler combien la musique est art de l’instant vivant qui peut s’évanouir ; mais tel le Phenix pouvant renaître de ses cendres, la musique est revenue encore plus belle après ce danger écarté.
La Barcarolle des Contes d’Hoffmman de l’autre musicien du bonheur en musique, Jacques Offenbach, est un moment de grâce suspendue en premier bis. Joie, partage enthousiasme ont été portés à un sommet lors du bis et tris de la fameuse Marche de Radetzky de Johann Strauss père. Dirigeant également le public, frappant ses mains en cadence, Tugan Sokhiev a lié l’orchestre et son public pour le plus beau début d’année qui se puisse rêver. Toulouse centre du monde de la joie ? Qui sait ? En tout cas : BONNE ANNÉE À TOUS !
Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 1er janvier 2013. Concert du Nouvel An. Johann Strauss Fils (1825-1899) : La Chauve-souris, Ouverture ; Roses du Sud, op.338 ; Annen Polka, op.137 ; Le beau Danube bleu, op.314 ; Richard Strauss (1864-1949) : Der Rosenkavalier, suite, op.59 ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) Danse Macabre, op.40. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.